Bientôt une nouvelle loi sur les dotations ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Chaque fois qu’un membre de la famille royale commet un écart, la classe politique s’empresse de plancher sur une réforme du système des dotations. L’émotion passée, le soufflé retombe. Sujet trop touchy ?

En juillet 2009, un groupe de travail du Sénat a déposé douze recommandations destinées à régler, pour le prochain règne, la question des moyens financiers à attribuer aux membres de la famille royale. Les sénateurs préconisaient de réserver les futures dotations à l’héritier présomptif de la couronne et au conjoint survivant du souverain. Les autres membres de la famille royale, eux, seraient rémunérés à la prestation, comme aux Pays-Bas. A titre transitoire, les dotations d’Astrid et de Laurent seraient maintenues et toutes ces allocations feraient l’objet d’un rapport annuel d’activités.

 » La crise politique de 2010-2011 n’a pas permis de traduire ces intentions dans un projet de loi, déplore le sénateur CDH Francis Delpérée. Les principes retenus avaient pourtant recueilli une large adhésion dans les milieux politiques et l’opinion.  » Aux oubliettes, la proposition de loi pour une réforme des dotations ?  » Pas vraiment, répond Herman Matthijs, professeur à la VUB et expert en dotations princières : elle figure en bonne place dans le rapport du clarificateur royal N-VA Bart De Wever et dans celui du conciliateur royal SP.A Johan Vande Lanotte ! « 

Depuis lors, le débat politique sur les dotations accordées aux membres de la famille royale est relancé. En cause, la polémique suscitée, au printemps, par l’escapade congolaise du prince Laurent. Invité par des proches de Joseph Kabila, le fils cadet d’Albert et Paola s’est rendu en RDC, à la mi-mars, contre l’avis du Palais royal et des Affaires étrangères. Il y était accompagné, notamment, d’un avocat français spécialisé dans les fusions et acquisitions minières et il a brièvement rencontré le président congolais.  » Le prince a commis là une grande imprudence « , a commenté Yves Leterme. A quelques encablures des élections congolaises de la fin 2011,  » ce déplacement pouvait être instrumentalisé sur le terrain politique « , a ajouté le Premier ministre. Les fréquents séjours du cadet d’Albert II à Tripoli entre 2008 et 2010 et ses récents contacts avec l’opposition libyenne ont également fait grand bruit.

Un prétendu complot catholique

Le Palais n’a pas caché que le roi avait fort peu apprécié les dernières foucades peu diplomatiques de son fils cadet. Les propos de Me Legros, avocat de la fondation du prince, sur un prétendu complot catholique contre Laurent, mené par l’influent chef de cabinet d’Albert II, Jacques van Ypersele de Strihou, ont également ulcéré Laeken. Toutefois, des sources dans l’entourage du souverain nous confient les raisons profondes du mécontentement royal. Albert reprocherait surtout à Laurent de relancer, par son comportement imprévisible, la controverse sur les dotations princières.  » Toucher à la dotation de Laurent, c’est remettre en cause celle de la s£ur, explique un proche du Palais. Or Astrid, appréciée par son père, a acquis de l’influence à la cour. Fin 1999, c’est elle qui a géré l’ « affaire Delphine », la tempête médiatique autour de la fille illégitime d’Albert. Le roi veut sauver la dotation d’Astrid. « 

Libéraux, socialistes et nationalistes flamands réclament, depuis plusieurs années déjà, la suppression des dotations versées aux enfants royaux autres que l’héritier du trône. Ces partis plaident aussi pour une monarchie plus modeste, cantonnée à un rôle protocolaire, sur le modèle scandinave. Par ses déclarations intempestives et sa posture de révolté, l’enfant terrible de la monarchie belge donne un coup de pouce au courant républicain flamand, déclaré ou larvé. Lors de l' » affaire Laurent  » d’avril dernier, la N-VA et la Lijst Dedecker ont d’ailleurs à nouveau réclamé une réduction immédiate, voire une suppression des dotations.

determe s’est alors empressé d’intervenir pour rappeler ses devoirs au prince. Laurent s’est engagé notamment à soumettre aux autorités ses projets de voyage, à renoncer à ses missions à l’étranger si le gouvernement s’y oppose et à ne pas poursuivre d’activités à but commercial. S’il ne respecte pas les règles du jeu, le frère de Philippe et d’Astrid, douzième seulement dans l’ordre de succession au trône, n’aurait plus droit à la manne publique (plus de 25 000 euros par mois).

Changer les règles du jeu ?

L’électron libre royal a donc été rappelé à l’ordre, mais n’a pas été sanctionné.  » En fait, il n’y a, dans la loi de 2001 qui organise la dotation de Laurent, aucune règle sur les déplacements des membres de la famille royale « , remarque le sénateur CDH Francis Delpérée. On ne peut donc, selon le constitutionnaliste, lui imposer un veto, même s’il paraît élémentaire qu’il respecte les con-signes de prudence des Affaires étrangères ou du Palais.  » Hélas, les frasques de Laurent sont bien vite oubliées « , déplore le N-VA Jan Peumans. Dans le monde politique francophone, on marche sur des £ufs, conscient que le comportement de Laurent offre un prétexte en or aux nationalistes flamands pour affaiblir la monarchie.  » Il ne faut pas changer les règles du jeu en cours de règne « , a lâché un Armand De Decker (MR) plus monarchiste que le roi.

Toutefois, Delpérée, inspiré par l’exemple néerlandais, suggère désormais de remplacer la dotation des  » successibles  » par une indemnité.  » Ils pourront ainsi opter pour une activité rémunératrice sans être exclus de toute tâche de représentation publique.  » Entre-temps, les présidents de la Chambre et du Sénat, André Flahaut (PS) et Danny Pieters (N-VA), ont été chargés d’élaborer ensemble une proposition de modification de la loi sur les dotations, incluant un code de bonne conduite. Leur projet devait être introduit, en principe,  » avant les vacances d’été « . Faute d’accord entre partenaires, rien ne devrait, dit-on, sortir avant septembre.

OLIVIER ROGEAU

 » Toucher à la dotation du prince Laurent, c’est remettre en cause celle de sa s£ur « 

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