Bientôt des Magasins du peuple

La mouvance socialiste liégeoise fait renaître de ses cendres le modèle de l’Union coopérative d’antan. Une des particularités du projet d’entreprise consiste à privilégier les achats auprès des entreprises de la région liégeoise, histoire aussi, au travers de cette initiative, de soutenir les emplois locaux…

La crise de 1929 n’avait pas seulement laminé le patrimoine des boursicoteurs, elle avait aussi plongé quantité de travailleurs dans la misère profonde. L’époque était donc propice au renforcement de l’esprit coopératif, notamment dans le secteur de la distribution. En région liégeoise par exemple, en 1932, on ne trouvait pas moins de 84 magasins coopératifs répartis sur les 115 communes de l’arrondissement. Les marges dégagées au sein de ces magasins ont permis le développement, notamment, des Maisons du peuple socialistes et facilité l’accès de la classe ouvrière à la culture. Les golden sixties ont cependant bouleversé la donne : l’émergence de la grande distribution et de ses standards (magasins de grande taille, parkings gratuits…) eurent finalement raison de ces magasins coopératifs. Sclérosés, ils disparurent les uns après les autres, amenant in fine la mise en liquidation de l’Union coopérative elle-même. Pour éviter de voir disparaître le patrimoine immobilier du monde ouvrier liégeois, la centrale générale FGTB de Liège-Huy-Waremme porte alors sur les fonts baptismaux l’ASBL Les Travailleurs réunis et reprend à son compte, dès 1981, nombre de Maisons du peuple du pays de Liège, jusqu’alors propriétés de l’Union coopérative.

Le cafetier fera place à l’épicier

 » Comme les cafés en général, nos Maisons du peuple sont aujourd’hui confrontées à une baisse très sensible de la fréquentation, explique Marc Goblet, président des Travailleurs réunis et de la centrale générale FGTB Liège-Huy-Waremme. Nous avons donc repensé en profondeur le concept initial (juxtaposition d’un café et de locaux servant pour le parti, la mutuelle et le syndicat socialistes) et avons finalement opté pour une transformation en profondeur de certains de nos immeubles. L’idée maîtresse consiste à remplacer progressivement nos cafés Maison du peuple par des magasins de proximité exploités sous l’enseigne Magasin du peuple « . Le premier magasin de ce type devrait ainsi être inauguré à Blégny le 10 décembre prochain dans le contexte – tout un symbole – de la Journée des droits de l’homme. Cheratte-Hauteurs devrait suivre dans la foulée.

Le projet d’entreprise de la mouvance socialiste liégeoise surfe ici sur la vague actuelle du retour progressif aux achats de proximité, mais pourra-t-il toutefois tenir la dragée haute face à la puissance des multinationales de la distribution ?  » Nous n’aurons pas les mêmes conditions d’achat que des AD Delhaize ou Lidl – encore que… – mais nous n’aurons surtout pas les mêmes frais de structure qu’eux. Nous n’aurons pas non plus les mêmes degrés d’exigences en termes de marges bénéficiaires. Et puis, point non plus de dividendes ou d’enrichissements personnels dans notre chef « , assure Marc Goblet.

Les initiateurs du projet – qui comptent aussi Solidari (les mutualités socialistes liégeoises) et le PS liégeois (au travers d’Unions socialistes communales) – ont le souci particulier de voir les Magasins du peuple s’approvisionner  » local et frais « , tout en respectant absolument toutes les normes (dont celles de l’Afsca).  » Vous savez, la région liégeoise regorge de PME dynamiques, déjà habituées à travailler avec les géants de la distribution. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs déjà marqué leur accord pour nous approvisionner avec des produits déclinés sous notre propre marque. En nous approvisionnant auprès d’elles en priorité, nous contribuons à privilégier les emplois locaux. Côté informatique, nous installerons le serveur ici ( NDLR : dans les locaux de la FGTB liégeoise) et un logiciel dernier cri nous permettra de gérer les stocks de nos différents magasins de façon optimale. Idem en ce qui concerne le programme de fidélisation de la clientèle.  »

Avec ce projet ambitieux, Marc Goblet ne cache évidemment pas sa volonté de voir la dynamique coopérative d’antan revenir :  » Notre société repose trop sur des valeurs d’individualisme, insiste-t-il. Nous voulons relancer les dynamiques de rencontre et de formation des travailleurs. Attirer les gens vers nos Magasins du peuple nous en donnera l’occasion et les moyens « , conclut-il. Et les projets dans ses cartons ne manquent pas : une salle de sports à Hannut, un centre de séminaires et de formation à Retinne, une cafétéria (en partenariat avec les Femmes prévoyantes) à Verviers…

JEAN-MARC DAMRY

Les Magasins du Peuple privilégieront les achats auprès d’entreprises locales

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