Bemba Justice de vainqueurs ?

Arrêté à Bruxelles, le principal rival du président Kabila voit son avenir politique compromis.

Jean-Pierre Bemba savait depuis longtemps qu’un mandat d’arrêt était suspendu sur lui comme une épée de Damoclès. Cet ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) n’a donc pas été surpris quand des policiers belges sont venus l’interpeller le 24 mai dans sa villa de Rhode-Saint-Genèse, sur mandat de la Cour pénale internationale (CPI) établie à La Haye. Sa première comparution face à la cour est attendue dans les prochaines semaines. Elu sénateur après sa défaite face à Jo- seph Kabila lors de la présidentielle de 2006, Bemba avait quitté la RDC pour le Portugal, peu après de violents combats en plein Kinshasa entre sa garde rapprochée et l’armée.

Que lui reproche-t-on ? Des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, commis sous ses ordres non pas au Congo (ce dossier-là est à l’instruction), mais en République centrafricaine (RCA), entre octobre 2002 et mars 2003. Au centre de l’accusation : une campagne massive de viols  » menée avec une brutalité sans nom « . Ses hommes étaient intervenus à l’appel du président Patassé, pour mater la rébellion du général Bozizé, aujourd’hui au pouvoir.

Si Bemba est la quatrième personne arrêtée sur la demande de la CPI, il est le premier  » gros poisson « . Le procureur de la CPI, l’Argentin Luis Moreno-Ocampo, avait été saisi de l’affaire en 2004 par les autorités de la RCA. L’enquête formelle n’a été ouverte qu’en 2007. Dans l’intervalle, les pays occidentaux partenaires du Congo avaient conseillé à la CPI… de ne pas gêner le processus électoral, la stabilité du pays étant jugée prioritaire. Mais les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles, et l’immunité de Bemba ne pouvait que retarder l’échéance…

Le premier  » gros poisson  » arrêté

Pourquoi Bemba est-il arrêté en Belgique ? Depuis son éviction, cet ancien étudiant de l’Ichec est venu une dizaine de fois à Bruxelles, où vivent sa femme et ses enfants. Les services belges, portugais, brésiliens et allemands, notamment, ont suivi ses nombreux déplacements.  » Jeudi dernier, subitement, nous n’avons plus reçu aucun renseignement sur les voyages que M. Bemba comptait entreprendre « , déclare Béatrice Le Fraper, conseillère du procureur. Autrement dit : il risquait de quitter l’Europe, hors de portée de la cour. C’est alors que le procureur lance en urgence un mandat d’arrêt, qui a été tenu secret jusqu’à son exécution.

 » Nous étions également organisés pour une éventuelle arrestation à Kinshasa « , ajoute la conseillère. Bemba, qui a officiellement renoncé à la lutte armée, pensait rentrer au Congo pour reprendre la tête de l’opposition, moyennant garanties d’immunité et de sécurité. Mais l’opposition ne l’a pas attendu pour jouer son rôle au sein d’un parlement dynamique. En outre, le  » chairman  » est resté absent trop longtemps du pays pour garder sa popularité intacte, y compris au sein de son parti, le MLC, où ses méthodes autoritaires lui sont reprochées.

Ce Bemba démonétisé a également été lâché par les Occidentaux. Cela a-t-il facilité son arrestation ? Ses partisans assurent qu’il n’était pas présent sur le terrain au moment des exactions en RCA, alors que le président Patassé, lui, y était. Or celui-ci coule des jours tranquilles au Togo. D’autres ajoutent que seuls des Congolais ont été arrêtés jusqu’à présent.

 » En vertu du statut de Rome, personne ne saurait échapper à la justice internationale, a précisé le procureur, qui enquête également au Darfour et en Ouganda. Personne ne peut prendre le parti d’un criminel contre les victimes. Bosco Ntaganda, qui a commis des atrocités en Ituri et continue aujourd’hui ses activités dans les Kivus, Joseph Kony, de l’Armée de Résistance du Seigneur en Ouganda, Ahmed Haroun, ministre des Affaires humanitaires du Soudan, finiront également en prison.  » A bon entendeur…

François Janne d’Othée

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