Belgique Plaque tournante du trafic d’ouvres d’art ?

Attaques à main armée et cambrioleurs encagoulés, demandes de rançon et agents infiltrés… Le vol d’ouvres d’art n’a rien à envier aux autres types de criminalité. En troisième position (après la drogue et les armes), ce trafic infligerait à la Belgique – terre de transit par excellence – le rôle de plaque tournante. Grand bluff ou réalité ?

A tort ou à raison, la Belgique est régulièrement taxée de plaque tournante du trafic des £uvres d’art. Stigmatisante, cette accusation nous incrimine depuis de nombreuses années… Du côté des antiquaires, cette simple question fait bondir. Certains marchands indignés – ou effrayés ? – éteignent d’un  » non !  » catégorique tout scandale hypothétique. Mais il en existe d’autres qui reconnaissent qu’une partie du marché est gangrenée. Ceux-là émettent toutefois de gros doutes quant à la présence d’un trafic spécifiquement implanté en Belgique. Au nom de la police judiciaire fédérale, Axel Poels – inspecteur principal de la division îuvres d’art et antiquités – affirme que le phénomène existe chez nous, comme dans d’autres pays, soulignant judicieusement que les Pays-Bas souffrent d’un mal similaire.

Dès lors, comment expliquer que cette réputation sulfureuse soit encore et toujours d’actualité ? Du laxisme, une structure politique morcelée et quelques aberrations propres à la Belgique sont autant de circonstances qui faciliteraient la tâche des fraudeurs et compliqueraient celle des enquêteurs.

Un manque de structures juridiques

En Belgique,  » qui vole un b£uf vole un £uf  » ! Notre droit pénal ne comprend pas d’article spécifique relatif au vol des £uvres d’art. En résumé : dans des conditions identiques (vol simple dans une habitation), dérober un tableau de Modigliani ou une installation Hi-Fi représente la même infraction. A l’inverse, d’autres pays (France, Italie, Grèce…), plus soucieux de leur patrimoine, considèrent le vol d’une £uvre d’art comme une circonstance aggravante. Le délit se trouve puni plus sévèrement. Lourde de conséquences, notre lacune juridique entraîne avec elle un grand sentiment d’impunité. Axel Poels se souvient d’une affaire sans grande originalité, mais somme toute éloquente :  » Il y a quelques années, un auteur avait commis une trentaine de vols d’objets d’art pour un montant qui atteignait des centaines de milliers d’euros. Une grande partie des biens furent récupérés et restitués. Quant au coupable, il écopa de six mois de prison avec sursis.  » Un cas classique… mais symptomatique !

A la différence de la France, la Belgique n’exige pas la tenue d’un registre de police, soit un grand livre dans lequel l’antiquaire signale tout objet qui transite par sa boutique. Le marchand français doit le décrire mais surtout identifier la personne qui le lui a vendu et celle qui l’a acheté, indiquer précisément leurs coordonnées respectives et les montants déboursés. Deuxième faiblesse : un marchand belge n’est pas tenu de fournir à son acheteur un document qui garantirait l’origine de l’objet. Cette brèche, lourdement blâmée par nos voisins, encourage un tas de dérives… Sachant qu’un antiquaire n’a pas de  » grossiste « , n’importe qui peut entrer dans une boutique pour tenter d’y vendre n’importe quoi. Y compris des biens provenant de pillages ou de cambriolages puisqu’il ne faut jamais en prouver l’origine. Du pain bénit pour les receleurs ! En outre, la Belgique est un pays de brocantes, terrains de jeux favorables aux transactions douteuses.

Position stratégique

Petit pays coincé entre de plus grands, bien desservi en voies de communication (réseaux autoroutiers et ferroviaires, voies aériennes et maritimes), la Belgique profite d’une situation idéale pour le transit de trafics illégaux. Dans le cas des £uvres d’art et des antiquités, on peut y ajouter un atout particulier : Bruxelles, une capitale internationale avec ses diplomates et fonctionnaires européens, jouissant de gros revenus…

La criminalité des £uvres d’art n’est pas au rang des priorités dans le Plan national de sécurité (PNS). Cela tient en partie de son caractère non violent. Du coup, il y a peu de policiers. Alors que l’Italie – toutes proportions gardées ! – dénombre 250 carabinieri impliqués et hyperorganisés (retrouvant 25 % des objets d’art volés), la Belgique compte moins de cinq hommes qui peinent à atteindre le taux de 8 % de pièces récupérées.

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

En Belgique, cinq hommes seulement sont affectés à la récupération des objets volés

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