Banque en ligne : la bonne affaire ?

Fraîchement débarqués sur le marché belge, des challengers comme MoneYou, Fortuneo et NIBC Direct proposaient, il y a quelques mois encore, des taux ambitieux. Tous ont fini par revoir leur offre à la baisse. Panacée ou poudre aux yeux ?

Début 2013, ils tenaient la vedette, ces arrogants qui flirtaient avec les 2,5 % de rendement dans un marché global moribond. Les offres des banques classiques faisaient en comparaison pâle figure. Quelques mois (voire semaines) plus tard, les taux attractifs proposés par les banques en ligne retombaient comme des soufflés.

Bye bye, les 2,55 % de Fortuneo, les 2,65 % de NIBC Direct ou de MoneYou. Les meilleures propositions de ces trois challengers ont fondu comme neige au soleil avec, respectivement, 1,55 %, 2,15 % et 1,95 %. La différence avec certains de leurs concurrents du Web ne tient plus qu’à un fifrelin et se rapproche même dangereusement des produits de leurs  » ennemis jurés « , les banques réelles telles Axa (1,75 %) ou encore KBC (2 %). Difficile, dans ce contexte, de ne pas se poser la question : tout cela n’était-il qu’un coup de bluff ? De la poudre aux yeux pour appâter l’épargnant ?

Certes, aucun établissement bancaire ne peut se vanter d’avoir augmenté ses taux ces derniers temps. La baisse est généralisée, intimement liée au taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE) qui plafonne à 0,50 %.  » Dans ce contexte, quelqu’un qui offrirait encore du 3 ou 4 % paraîtrait suspect « , souligne Nicolas Claeys, senior financial analyst chez Test-Achats. Et Stephane Vermeiren, general manager de Rabobank.be, d’ajouter :  » C’est impossible actuellement d’offrir plus de 2 %. Les banques qui osent le faire proposent soit des conditions temporaires, soit sont confrontées à des difficultés internes.  »

Pour leur défense, les nouveaux venus (MoneYou est présent en Belgique depuis septembre 2012, NIBC Direct depuis fin 2011 et Fortuneo depuis 2010) pointent la différence, toujours importante, existant par rapport aux 4 grandes banques du pays. Soit KBC, BNP Paribas Fortis, Belfius et ING. Des géants qui thésaurisent à eux seuls 80 % de l’épargne du pays. Epargne mirobolante puisqu’au dernier décompte (août 2013), celle-ci atteignait un record historique de 246,31 milliards d’euros. Pas étonnant que ces joueurs étrangers (les deux premiers sont néerlandais, le troisième est français) aient eux aussi envie de se tailler une part dans cet imposant gâteau…

Les taux des comptes épargne classiques des leaders du marché ne sont effectivement pas folichons : 0,70 % pour KBC, BNP Paribas Fortis et Belfius, 0,80 % chez ING. Mais ces établissements proposent en interne des formules plus attractives : 2 % pour le Start2Save de KBC, 1,50 % pour le compte en ligne Premium de BNP Paribas Fortis, 1,65 % pour le Compte Epargne+ de Belfius, idem chez ING avec le Lion Premium.

 » Le premier conseil à donner est d’abord de vérifier, au sein de sa banque, qu’il n’y a pas d’alternative plus intéressante « , commente Nicolas Claeys. Problème : peu de clients franchiraient le pas. Inertie, quand tu nous tiens…

 » Facile, quand on n’a pas de clients !  »

 » Nos taux restent clairement plus élevés par rapport aux banques traditionnelles « , plaide Marcel Schün, directeur marketing et communication chez MoneYou. Qui explique par ailleurs que l’objectif de cette filiale d’ABN Amro n’est pas tant de proposer la meilleure offre à tout prix mais de présenter un écart significatif par rapport aux quatre rivaux précités.  » Comme nous ne sommes présents qu’en ligne, nos coûts sont très, très limités et tous les avantages vont à nos clients « , ajoute-t-il.

Pour certains, cette stratégie agressive est condamnée à long terme.  » Des petits joueurs, il y en a toujours eu. Ces hard-discounters débarquent avec des rendements élevés, ce qui est facile lorsqu’on n’a pas encore de clients ni d’argent à gérer ! Mais une fois qu’ils auront ramassé quelques milliards, il deviendra de plus en plus difficile, voire suicidaire, de continuer comme cela. Soit ils ne rencontreront pas le succès et s’arrêteront, soit ils s’aligneront. Ce sera le cas de MoneYou ou de NIBC « , prédit Stephane Vermeiren.  » C’est une stratégie marketing, une manière de se présenter sur le marché et d’acquérir certains clients. Mais cela coûte cher et cela ne peut pas durer sur le long terme « , abonde Olivier Debehogne, directeur marketing de Keytrade Bank, le leader de la banque en ligne.

Une stratégie que connaissent d’ailleurs bien les grandes banques, selon Nicolas Claeys.  » Certaines lancent des formules plus alléchantes pour retenir une partie de leur clientèle qui menace de partir, explique-t-il. On a par exemple observé cela chez BNP Paribas Fortis. Mais on voit cette année que ces comptes ne rapportent pas beaucoup plus que leur variante classique. Par contre, il y a des établissements qui ne peuvent exister qu’en proposant un taux plus élevé.  »

Les récents challengers feraient partie de ceux-là, selon l’analyste de Test-Achats. Qui n’imagine pas que ceux-ci ne soient présents que pour amasser un maximum de deniers tant que cela leur est nécessaire avant de disparaître lorsqu’ils n’en auront plus besoin. Marcel Schün confirme :  » Nous sommes là pour durer et nous voulons être attrayants sur le long terme.  »

Reste que leur tâche (à l’instar de leurs concurrents) n’est pas simple. Car lorsque les rendements sont ridiculement bas, les clients prêts à aller voir ailleurs ne se bousculent pas au portillon. Paroles de banquiers.  » C’est vrai que nous avons eu beaucoup d’affluence en janvier dernier, puis cela s’est calmé, concède Marcel Schün. Mais c’est aussi parce que le début d’année est une période propice pour changer.  »

MoneYou compte aujourd’hui 40 000 clients, soit une progression de 50 % depuis janvier. Début 2013, NIBC Direct en revendiquait 20 000 pour un dépôt total de 600 millions. Un beau début même s’il y a encore du chemin à parcourir pour pouvoir s’aligner sur d’autres banques en ligne, comme les pionnières Keytrade (170 000 clients) ou Rabobank (245 000 et 9 milliards en dépôt).

Comme leurs aînés, ces nouveaux venus devront sans doute faire valoir à terme d’autres atouts que leurs taux. D’autant que le visage de la banque du futur est encore flou. Un mélange entre établissement classique et virtuel à définir. Un vaste chantier.

Par Mélanie Geelkens

 » A elles seules, les quatres grandes banques détiennent 80 % de l’épargne du pays !  »

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