Au bout du ciel

« C’était en 1985. J’étais officier de carrière chez les paras. Un jour, mon parachute s’est replié à 10 mètres du sol: je me suis fracturé plusieurs vertèbres et je suis tombé dans le coma. Très vite, un médecin militaire m’a dit que j’étais bon pour la chaise roulante. Moi, je disais que je resauterais un an plus tard: à 30 ans, on se croit indestructible… Souffrant de maux de dos, d’amnésie et de maux de tête, je me suis vu attribuer un taux d’invalidité de 15 %, à titre provisoire. Dix-huit mois après l’accident, je resautais en parachute. J’ai tout de même été muté ailleurs, en raison de douleurs persistantes. En 1988, pensant que mon cas s’aggravait, j’ai demandé une révision de mon dossier. Les autorités médico-militaires m’ont alors certifié que tout était stationnaire. Je suis ensuite devenu moniteur de saut. Jusqu’à ce que survienne, en 1990, mon deuxième accident, identique au premier. De nouvelles fractures des vertèbres m’ont alors obligé à arrêter définitivement le parachutisme. J’ai sombré dans la dépression. Un médecin de l’armée m’a déclaré inapte, pour raisons psychologiques. J’ai démissionné et je suis parti sur la route, pendant deux ans. A l’armée, on ne fait rien pour aider les victimes dans mon genre. Lorsqu’un de mes sergents est mort en exercice, en 1988, laissant derrière lui une veuve et 5 enfants, il a fallu deux ans pour que son épouse obtienne ses pensions de survie et de réparation. Pendant plusieurs mois, la caisse de l’unité lui a permis de tenir.

En juin 1996, j’ai introduit une nouvelle demande de révision de mon dossier: je souffre de maux de dos en permanence, avec des pointes de douleur que rien ne soulage. A l’époque, un médecin expert a estimé mon invalidité à 80 %. Il a établi un dossier dans lequel il demandait la reconnaissance d’un taux d’invalidité de 53 %. L’office médico-légal, chargé d’effectuer une contre-expertise, a estimé que cette demande n’était pas fondée. A l’issue de procédures en appel, d’interventions d’avocats, de comparutions devant la commission de pension de réparation, présidée par des magistrats à la retraite qui, à mon avis, bafouent allègrement les droits de la défense, les experts de l’office médico-légal m’ont ausculté en juillet 2002, pour la première fois.

Depuis, j’attends la révision de mon dossier. Je pense avoir droit à un taux d’invalidité de 50 %, mais je devrai sans doute m’estimer heureux avec 30 %! Actuellement, je reçois environ 500 euros par trimestre mais j’ai, jusqu’à présent, supporté moi-même tous les frais de dossier. Ces accidents ont marqué un coup d’arrêt dans ma vie. Aujourd’hui, j’ai tourné la page. Mais il m’a fallu six ans pour y parvenir. »

L.v.R.

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