Astrid ou l’âge d’or belge

Perles, mousseline, plumes d’autruche. Dans l’entre-deux-guerres, la reine Astrid a incarné le désir de vivre de toute une génération

(1) Astrid, ouvrage collectif, sous la direction de Christian Koninckx, éd. Racine.

Astrid, mon amie, par Anna Sparre, éd. Luc Pire (réédition).

(2) Au musée BELvue, 7, place des Palais, 1000 Bruxelles, jusqu’au 15 janvier 2006, du mardi au dimanche

de 10 à 17 heures, entrée libre, 02.511 55 78.

La reine Astrid, première épouse de Léopold III, est décédée, voici septante ans, à Küssnacht (Suisse). Elle aurait eu 100 ans, le 17 novembre dernier. Deux livres (1) et une exposition (2), Astrid et nous, regards croisés, ressuscitent le mythe.

A Bruxelles, place des Palais, au musée BELvue, là où le couple princier a vécu ses premières années de mariage, l’expo s’ouvre sur la projection d’images d’époque : le 8 novembre 1926, débarquant à Anvers, Astrid, venue de Suède, se jetait, de façon très peu protocolaire, dans les bras de Léopold. Une scène digne du cinéma muet. La Belgique accueillait sa star qui n’avait rien à envier aux icônes hollywoodiennes.

 » La reine Astrid aura représenté pour l’avant-guerre ce que le président Kennedy fut à la génération de la guerre froide : la figure même du bonheur perdu « , écrit Pascal Dayez-Burgeon, dans Astrid (1). Avant, les politiques matrimoniales des familles royales relevaient de la raison, répondaient à des enjeux patrimoniaux et géopolitiques.  » Avec Astrid, visiblement éprise de Léopold, voilà la dynastie belge au diapason du renouveau romanesque « , poursuit Dayez-Burgeon. Face au roi Albert Ier et à la reine Elisabeth, héros intimidants et majestueux de la Première Guerre mondiale, le couple princier a incarné la jeunesse dorée, l’appétit de vivre d’une génération fascinée par le jazz, le sport, l’aventure.

A une époque où le tourisme balbutiait, celle qui aimait skier, jouer au golf ou monter à cheval a accompagné son mari dans trois longs périples en Asie du Sud et au Congo, des expéditions inconfortables et exotiques, retracées dans l’exposition.

Mais, en vitrine, les bibis, éventails et autres toilettes avec leurs perles ou plumes d’autruche témoignent aussi des Années folles, de la mode à la garçonne d’alors ou plus glamour du début des années 1930. Fine et élancée, Astrid a fait figure, avant l’heure, de top-modèle. En rue ou sur les clichés officiels de Robert Marchand, tous retouchés sauf exception, elle, qui n’était pas une beauté parfaite avec son nez affirmé, a donné l’image de la jeune fille nordique, sportive, moderne et d’allure libre.

Intuitive, elle était capable de retourner l’opinion en sa faveur, notamment quand, du balcon de l’hôtel de ville de Liège, elle a présenté son fils Albert, lors de la joyeuse entrée, en 1935. Même si cette princesse étrangère n’avait pas bénéficié d’une solide formation intellectuelle, comme l’atteste, dans l’expo, l’orthographe approximative de sa correspondance à sa fille, elle n’en était pas moins ouverte au progrès. Le 14 février 1935, en pleine crise économique, l' » appel de la Reine  » à la générosité en faveur des plus démunis fit un tabac.

Quelques mois plus tard, le 29 août, l’épouse comblée et la mère épanouie décédait dans un accident de voiture. Entre-temps, le mirage d’une Belgique unie et prospère avait vécu. Avec un effet retard, le pays s’enfonçait dans la grande dépression partie des Etats-Unis.

Dorothée Klein

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