Art tibétain actuel

Guy Gilsoul Journaliste

Gonkar Gyatso, l’artiste tibétain le plus connu à ce jour, a réuni autour de lui quatre de ses frères de combat.

Si l’identité relève d’un savant mixage des valeurs du passé et de l’ouverture au présent, elle prend des accents bien différents sitôt qu’on est originaire d’Europe, d’Afrique ou d’Amérique du Sud. Chez les Kogis de Colombie par exemple, la solution passe par la perpétuation des traditions ancestrales qui gère autant les rapports entre les hommes qu’entre eux et les animaux ou l’agriculture. Mais que dire lorsqu’une culture, comme celle du Tibet, se voit phagocytée par le grand voisin chinois ? Lorsque Gonkar Gyatso voit le jour, en 1961, cela fait déjà onze ans que son pays est devenu une province annexée. L’école est sous contrôle et ce jusqu’à l’art désormais au service d’un réalisme à la gloire du grand timonier. A 19 ans, le voilà donc envoyé à Pékin afin de poursuivre ses études. Mais les temps ont changé. Mao est mort voici quatre ans et la Chine cherche à renouer avec son passé. Désormais, elle met à l’honneur l’art de l’encre des Anciens. Or c’est à ce moment que Gonkar Gyatso découvre son vide identitaire. Non, il n’est pas chinois. Mais alors quoi ? Où trouver les réponses ?

Ce sera pour lui la voie de la diaspora et un séjour prolongé en Inde, à Dharamsala, où il étudie le bouddhisme traditionnel ainsi que l’art des Thangkas. Mais est-ce là encore la solution ? En décidant de s’installer à Londres, sa vision de l’identité va une nouvelle fois changer. Désormais, fort des certitudes de son passé, il peut s’ouvrir au monde ainsi qu’aux vocabulaires et aux pratiques de l’art international. Ainsi, sur une structure de mandala, voire sur le fantôme d’un Bouddha, il fixe un nombre incalculable de stickers. Agglutinés les uns aux autres, ils réunissent, dans un puissant effet de feu d’artifice, une marque célèbre, un fétiche de la consommation, un oiseau, un avion, le visage d’un homme politique ou celui d’une vedette du cinéma. Et comme si cela ne suffisait pas, voici entre eux des slogans découpés dans les journaux, le tout relié à diverses trajectoires graphiques qui semblent dissoudre l’ensemble coloré au fur et à mesure que le blanc (et avec lui le vide) enveloppant la figure centrale l’emporte sur le bruit du monde.

Mais depuis Londres, l’artiste tente aussi, à travers sa propre galerie (Sweet Tea House), de réunir d’autres peintres restés au pays. D’où la présence à ses côtés dans l’exposition bruxelloise de quatre artistes. Si Jigme Chilie et Jhamsang nous paraissent être encore trop redevables à la rhétorique chinoise, une sorte de propagande à contre-courant, il n’en va pas de même de Penba Wangdu. En effet, ici, le sujet, plutôt attendu, se voit contredit par la manière, proche de la pratique traditionnelle qui cerne bien les contours, privilégie les détails et imprègne les coloris pâles d’une saisissante luminosité. Enfin, on mesurera avec Tetsan Kalsang combien le message se doit d’être suffisamment ambigu pour passer la barre de la censure. Dans une des £uvres, la présence de moines réduits à l’état de petites montgolfières peut faire sourire d’autant que le coloris du ciel affiche un rose des plus kitsch. Mais que viennent faire entre eux, ces avions militaires ici, civils ailleurs ?

Horizons tibétains, galerie Bastien, 61, rue de la Madeleine, à Bruxelles. Jusqu’au 5 juin. Du mardi au samedi, de 11 heures à 18 h 30, le dimanche, de 11 à 13 heures. www.jbastien-art.be

GUY GILSOUL

Son parcours : le Tibet, Pékin, l’Inde, puis Londres

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