© Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Arrivée d’Amazon en Belgique : « Ceux qui ont le plus à perdre sont Coolblue et bol.com »

Le Vif

En arrivant en Belgique, Amazon veut surtout capter des parts de marché au nord du pays, souligne Isabelle Schuiling, professeure de marketing à l’UCLouvain. Mais elle pose aussi un dilemme pour les commerçants.

L’arrivée d’Amazon.com.be cet automne change-t-elle vraiment la donne pour le consommateur belge?

D’après une enquête menée par Comeos entre avril et mai derniers, 82% des consommateurs francophones auraient déjà utilisé Amazon, contre 44% seulement des néerlandophones. Son arrivée en Belgique devrait donc avoir un impact plus important au nord du pays, où deux grands acteurs – bol.com et Coolblue – captent jusqu’ici une large part du marché de l’e-commerce. Pour Amazon Belgique, beaucoup d’inconnues persistent, notamment concernant les prix, les offres de produits et les délais de livraison. Mais il est clair que la plateforme devra proposer quelque chose en plus afin que les consommateurs déjà fidélisés à bol.com et Coolblue changent d’habitude.

L’augmentation attendue du nombre d’enseignes belges sur Amazon peut-elle jouer un rôle en ce sens?

Il est évident qu’ Amazon fera tout pour attirer davantage de commerçants tant au nord qu’au sud du pays. Néanmoins, son site français ne met pas vraiment en avant la nationalité des vendeurs que l’on y retrouve. Si la plateforme est similaire en Belgique, je ne suis pas certaine que cela jouera un rôle.

« L’arrivée d’Amazon en Belgique peut être embêtante pour les enseignes qui ont investi pendant le Covid. »

Amazon est-elle une alliée pour nos commerçants, vu le nombre d’utilisateurs qu’elle revendique, ou plutôt une menace, en raison des marges qu’elle s’octroie?

Il y a un peu des deux. Il est certain qu’elle peut permettre de vendre potentiellement à des millions de personnes. Mais d’une part, il est vrai que les marges sont moins élevées et, d’autre part, Amazon conserve toutes les données sur les consommateurs. Or, pour un commerçant, disposer de ces données constitue un avantage concurrentiel indéniable. Par ailleurs, l’arrivée d’Amazon en Belgique peut être embêtante pour les enseignes qui ont investi pendant le Covid afin de vendre sur leur propre site. Il y aura plus de concurrence.

Peut-elle affecter aussi le volume de ventes des webshops des grandes enseignes présentes en Belgique?

Sans doute, mais rappelons que la plupart d’entre elles ne sont pas ou plus belges. Dans tous les cas de figure, ces entreprises étrangères ont un effet négatif sur le commerce belge en tant que tel. Et je ne parle pas que des plateformes comme Amazon.

D’un point de vue marketing, est-il pertinent, dans certains cas, de vendre à la fois sur Amazon et sur son propre site d’e-commerce, notamment pour capter des publics différents?

Cela peut se faire, mais ce n’est pas la formule que je privilégierais, vu les coûts générés par le fait de garder son propre site tout en entrant par ailleurs dans le modèle Amazon.

Est-il plus simple de vendre sur une plateforme d’e-commerce que de mettre en place sa propre solution?

Oui, du moins pour ceux qui n’ont pas déjà investi, vu qu’ils ont accès à un nombre infini de clients. Mais il faut savoir que les marges y sont moins élevées et que certaines contraintes s’imposent aux commerçants, dont la gestion des délais de livraison ou des plaintes, par exemple. Comme dans toute solution, il y a du pour et du contre.

Les commerçants ou les marques misant sur la proximité ou sur des valeurs sociétales fortes n’auront probablement pas intérêt à se tourner vers une plateforme symbolisant souvent l’inverse…

C’est sans doute vrai. Les consommateurs devraient se diriger plus facilement vers les commerçants proposant aussi des services sur place. Le service après-vente est un critère que les entreprises belges peuvent incontestablement mettre en avant pour se démarquer.

In fine, qui a le plus à perdre avec l’arrivée d’Amazon en Belgique?

Coolblue et bol.com sont certainement les deux acteurs qui ne doivent pas voir cela d’un bon œil. Ce sont eux qui, je pense, ont le plus à perdre.

Le contexte

Ne tapez pas amazon.be si vous cherchez la future adresse belge du géant de l’e-commerce: vous tomberez sur le site d’une compagnie d’assurances. Fin juillet, la plateforme américaine conçue par Jeff Bezos a bel et bien annoncé l’arrivée d’une «boutique en ligne locale» dédiée à ses clients belges, mais ce sera sous le nom de domaine amazon.com.be. Celle-ci est attendue pour la rentrée, ou du moins pour cet automne. Ce n’est pas un chamboulement sur la scène de l’e-commerce: les consommateurs francophones, en particulier, étaient déjà habitués à surfer sur Amazon sous sa bannière française. Les commerçants belges, eux, peuvent déjà s’inscrire sur sell.amazon.com.be. Un service loin d’être gratuit, puisqu’outre la place de marché, les frais d’expédition et de stockage, Amazon engrange une commission généralement comprise entre 8 et 15% sur chaque produit vendu.

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