Antidémocratique, Di Rupo Ier ?

Bart Maddens
Bart Maddens Politologue à la KULeuven et proche du mouvement flamand

Ce qui était inimaginable il y a peu est devenu réalité : la constitution d’un gouvernement fédéral sans majorité flamande. Certains Flamands n’y voient pas d’obstacle, d’autres, au contraire, en disent pis que pendre. Cela dépend surtout de la manière dont on observe le système politique belge.

Aux yeux de ceux qui considèrent la Belgique comme une seule démocratie, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Dans cette démocratie, Di Rupo dispose d’une large majorité de 93 sièges sur les 150 que compte la chambre des députés. Pour ce qui est des matières fédérales, peu importe s’il y a une majorité dans chacune des entités fédérées. En Espagne aussi, il y a des communautés autonomes où le nouveau gouvernement de Mariano Rajoy n’a pas la majorité. Son gouvernement n’en est pas moins légitime.

Mais ceux qui estiment que la Belgique est l’addition de deux démocraties vivent très mal cette situation (et leurs rangs sont serrés, à en croire les dernières élections). En partant de cette perspective plus confédéraliste, le gouvernement Di Rupo Ier est franchement antidémocratique. Dans la démocratie flamande, une minorité de losers électoraux arrive au pouvoir. Une minorité qui prend appui sur une majorité écrasante dans l’autre démocratie.

Cet état de fait a un côté hégémonique : la Belgique francophone règne sur la Flandre. C’est d’autant plus vrai que la situation inverse (un gouvernement fédéral privé de majorité au Sud) serait totalement exclue. Avec un peu d’imagination et de mauvaise foi, on pourrait comparer la Flandre à la Hongrie et à la Tchécoslovaquie au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Dans ces pays, après des élections démocratiques, les communistes ont pris le pouvoir. Leurs gouvernements n’avaient pas la majorité chez eux, mais tiraient leur pouvoir d’une puissance étrangère, l’Union soviétique. Cette comparaison peut paraître choquante aux Belges qui regardent notre pays comme une seule démocratie (sans doute la plupart des lecteurs du Vif/L’Express). Je tiens à leur présenter mes excuses. Pourtant, aux yeux de ceux qui perçoivent la Belgique comme deux démocraties, elle est plutôt logique. Voilà un bel exemple qui montre que le gouvernement Di Rupo laisse présager l’aggravation des dissensions à propos de la réalité belge.

Les partis gouvernementaux flamands aussi n’en ont pas la conscience nette. Témoin l’effervescence causée par la question de savoir si Di Rupo doit se ranger parmi les ministres francophones ou non. Si l’on regarde la situation politique à travers le prisme fédéral, il faut donner raison aux francophones. Le Premier ministre belge représente la fédération tout entière. Le fait qu’il soit originaire de telle ou telle entité fédérée n’a pas grande importance. De même le fait que le gouvernement compte moins de ministres flamands que francophones ne peut poser problème. Car ne sont-ils pas tous ministres fédéraux qui veillent aux intérêts de l’ensemble de la fédération ?

Or les partis gouvernementaux flamands ont de la peine à accepter cette argumentation. Tout compte fait, ils portent manifestement des lunettes confédérales. Ils tiennent les ministres fédéraux pour des représentants de leur entité fédérée. Or il leur faut choisir. Ou bien on est fédéraliste et on accepte qu’il y ait plus de ministres francophones que flamands. Ou bien on est confédéraliste et on ne se laisse pas embarquer dans un gouvernement antidémocratique.

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Bart Maddens

Du côté flamand, une minorité de losers arrive au pouvoir

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