Alexandra Kerry : La guerre, mon père et moi…

Rencontre avec la fille du candidat démocrate, qui présente à Cannes un court-métrage sur les séquelles du Vietnam

Elle est au c£ur du clan Kerry. A 30 ans, Alexandra Kerry est non seulement la fille du candidat démocrate à la Maison-Blanche, mais une proche confidente. Invitée par le Festival de Cannes, parmi une quarantaine de jeunes réalisateurs étrangers, cette jeune cinéaste, vive et intelligente, membre de l’American Film Institute, prestigieuse université de Los Angeles, y présentera un court-métrage, The Last Full Measure û dans la catégorie Short Film Corner û qui dépeint, avec force, les ravages de la guerre dans une famille américaine durant la guerre du Vietnam. Un film qui n’échappera pas aux cercles républicains les plus durs, aux Etats-Unis, sur fond de conflit irakien.

C’est de cette £uvre, à la résonance toute particulière, que parle Alexandra Kerry, qui suivra de près, cet été, l’organisation de la convention démocrate. Un show monstre que scénarisera Steven Spielberg, grand ordonnateur de la cérémonie et chef de file, à Hollywood, du comité de soutien à John F. Kerry : un gotha de stars rameuté, notamment, par celle qui répond, ici, à nos questions.

Vous venez à Cannes présenter, discrètement, pour la première, un film dont le sujet, pourtant, est loin d’être neutre. De quoi parle-t-il ?

E C’est l’histoire d’une famille de la Nouvelle-Angleterre qu’une guerre désintègre, celle du Vietnam en l’occurrence, même si cela aurait pu être un tout autre conflit. C’est l’histoire, aussi, d’une déchirure entre un père et une petite fille que les traumatismes de la guerre finissent par éloigner l’un de l’autreà

Alexandra et John Kerry ?

E à un père et une petite fille profondément meurtris, chacun à leur manière, par les blessures de ce drame. Naturellement, il y a dans ce court-métrage quelques lointaines réminiscences. Quand, gamine, notamment, je conversais avec mon père, assise sur ses genoux, comme toutes les petites filles du monde amoureuses de leur papa. Une image que j’ai reprise dans le film.

Quand avez-vous décidé de réaliser ce court-métrage ?

E Au tout début du conflit irakien, quand l’Amérique s’y préparait. Et si j’ai choisi le Vietnam, c’est parce que cette guerre a toujours été très présente autour de moi. A travers mon père, qui l’a faite, comme on le sait, d’abord. Et à travers l’histoire de quelques amis proches de ma famille, ensuite, dont certaines des filles aînées ont attendu longtemps ce soldat, un père, un frère, qui ne revenait pas, mort là-bas.

Je n’aurais peut-être jamais fait ce film si je n’avais pas été inspirée par les conversations familiales qui ont jalonné mon enfance. Or le Vietnam, encore une fois, y a tenu une place importante, même si mon père, très pudique sur la question, en parle peu, à vrai dire. Quand nous allions, petits, en vacances, à Saint-Briac, en France, nous parcourions, lui et moi, les vestiges de la guerre de 1940. Des balades le long des plages, dans les bunkers, qui étaient souvent l’occasion de longues conversations sur la vie, la mort, la guerre.

A-t-il vu votre film ?

E Non, pas encore, mais il en connaît la teneur. Il est vrai que, avec la tournure que prennent aujourd’hui les événements en Irak, la dramatisation de ce conflit et le retournement d’une certaine partie de l’opinion aux Etats-Unis, ce film, si modeste soit-il, prend un tout autre visage.

Ne craignez-vous pas que les républicains s’en emparent pour déstabiliser votre père en pleine campagne électorale :  » Alexandra Kerry, la pacifiste !  » ?

E Je ne suis pas naïve : le risque existe, et je m’en moque. Une bonne partie des Américains, notamment les jeunes, en grand nombre, adhéreraient sans réserve à ce film. Tout comme mon père, que cette histoire ne peut pas ne pas émouvoir : il a laissé tant d’amis là-bas, au Vietnam. Et si risque il y a, en tout cas, je l’assumerai. Enormément d’Américains se posent aujourd’hui des questions.

Quelles sont vos relations avec votre père ?

E Je suis très proche de lui. Nous parlons beaucoup ensemble. De sa campagne, de sa vision de l’Amérique. C’est un homme libre et qui connaît bien la France, par ailleurs. Et je veux l’aider dans la mesure de mes possibilités durant cette campagne, pour qu’il gagne.

On vous a découvert un cousin français, Brice Lalonde. Le voyez-vous souvent ?

E Pas suffisamment, mais nous partageons ensemble tant de souvenirs ! Je l’adore. J’ai sauté sur ses genoux et partagé avec lui, en France, de très bons moments. Il fait partie de notre vie. C’est un peu un Kerry… l

Entretien : Renaud Revel

Entretien: Renaud Revel

ôBeaucoup d’Américains sont susceptibles d’adhérer à ce film »

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