Aïda, haute couture vocale

Barbara Witkowska Journaliste

Le  » blockbuster  » de Verdi poursuit une carrière grandiose. Pas moins de 100 créations, cette saison, sur les scènes du monde entier ! Et il tiendra fièrement l’affiche dans une nouvelle production à l’Opéra de Liège.

Constructions imposantes, sur fond de rochers, de colonnes et de grottes dans des camaïeux gris et marron. Quelques accessoires s’invitent au fil de l’action : tête de bélier, vases, statues, voiles blancs. Décor sobre, voire austère, certes. Mais des éclairages sublimes, des jeux de lumière époustouflants ont de quoi solliciter notre imagination. Les acteurs de cette Aïda arborent des costumes très simples, taillés dans des matières brutes et primitives aux couleurs terre de Sienne, corail, beige et safran. Une sorte d’Afrique antique rustique, barbare, forte et violente. On est loin d’un opéra- péplum exotique et excessif, nappé de paillettes et un peu kitsch.

 » Aïda fait souvent penser à un ouvrage en Technicolor, immense et spectaculaire, confie le maestro Paolo Arrivabeni, directeur musical de l’Opéra royal de Wallonie (qui dirigera Aïda pour la première fois de sa carrière). On oublie le côté intimiste, la délicatesse des protagonistes, tournant autour de trois personnages, les deux amants que la guerre sépare et que la mort réunit, et la femme jalouse, attachée à leur perte pour finir par maudire le sort. Le tout, sur fond des voix graves des hommes – prêtres ou rois – et de la raison d’Etat.  » Une histoire d’amour, donc, comme les aimait Verdi, tumultueuse, pleine de bruit et de fureur. C’est sans doute là le secret qui séduit depuis plus d’un siècle (la première représentation a eu lieu le 24 décembre 1871) le public de toutes les scènes du monde, applaudissant à l’une des plus belles oeuvres jamais composées par Giuseppe Verdi qui, contrairement à une légende, n’a pas inauguré l’Opéra du Caire (c’est une autre oeuvre de Verdi, Rigoletto, qui a été montée le 1er novembre 1869).

A Liège, une interprétation majuscule – dont beaucoup de nouveaux venus que l’on découvre avec joie – impose son savoir-faire. En tête, Aïda, portée au sublime par Isabelle Kabatu (en alternance avec Kristin Lewis). Grâce, force, ampleur, naturel dans les gestes, voilà une cantatrice qui ne joue pas son personnage mais l’habite et nous gorge d’émotions inoubliables. La soprano belge reste très attachée au personnage d’Aïda qui est, pour elle, le rôle des rôles.  » J’ai chanté Aïda des dizaines de fois, à La Scala de Milan, à New York, à Rome, à Berlin, à Huston, aux arènes de Vérone. Ce rôle me fait penser à ces meubles laqués japonais où l’on ajoute toujours une couche pour magnifier le résultat. Chaque expérience enrichit ma décision artistique et rend urgent mon engagement, mon besoin de le chanter. C’est un rôle qui m’accompagnera toute ma vie. Je l’ai chanté pour la première fois en 1994 et je ferai mes adieux avec Aïda. Pas avant 65 ans, j’ai une voix solide !  »

Isabelle Kabatu choisit toujours ses rôles avec une grande rigueur. Son répertoire comprend principalement les héroïnes d’opéra italien : Aïda, Tosca, Manon Lescaut… Avec ses moyens, elle ne s’arrête pas là et se fixe d’autres priorités :  » Je suis une soprano lyrique. Pendant quatre ans, je me suis formée pour devenir soprano dramatique. Aujourd’hui, je suis prête à faire ce virage éclairé et à aborder, enfin, Lady Macbeth, Abigaille dans Nabucco, Brunhilde et Norma. Surtout Norma ! Les choses se profilent… « .

Du 25 mars au 5 avril, à l’Opéra royal de Wallonie, à Liège www.operaliege.be

Barbara Witkowska

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