Actions : le suspense reste entier

Danny Reweghs

Les Bourses internationales, Euronext Bruxelles y compris, ont progressé de manière spectaculaire en l’espace d’un an. Sommes-nous à la veille d’une nouvelle bulle ?

C’est une incroyable année boursière que nous venons de vivre ! La période qui s’étend de la mi-mars 2003 jusqu’à aujourd’hui est, sur le plan boursier, la meilleure période de ces 18 dernières années. Naturellement, cette affirmation est à nuancer, car les mois et les années qui l’ont précédée furent aussi les plus médiocres des deux dernières décennies. Si certaines actions individuelles ont offert, en un an, des returns vertigineux, ce sont aussi, souvent, celles qui avaient d’abord plongé de manière spectaculaire. Dans les faits, les cours actuels restent, pour la plupart, très éloignés des plafonds de 2000.

Même en faisant abstraction de cette période sombre, les pourcentages de hausse restent appréciables. Les progressions de 50 % constituent la norme ! L’indice allemand DAX a presque doublé en l’espace de douze mois à peine. Les Belges n’ont pas eu à se plaindre l’an dernier, puisque leur BEL20 a très honorablement décroché la médaille d’argent, en signant une hausse de 70 %.

Après la pluie, le beau temps

Pourquoi les Bourses ont-elle si vite pansé leurs blessures ? La conjonction de plusieurs facteurs explique cette formidable embellie.

La situation internationale. Le pessimisme qui régnait sur les Bourses au début de 2003 ne pouvait être considéré indépendamment des tensions internationales, plus particulièrement celles qui existaient entre les Etats-Unis et l’Irak. Ce n’est dès lors pas un hasard si les marchés ont redressé la tête au moment précis où la coalition américano-anglaise entrait en Irak. Depuis, le bourbier irakien est loin d’être asséché. De même, la menace d’attentats terroristes reste très présente, comme l’ont rappelé brutalement ceux de Madrid. Mais les facteurs internationaux semblent désormais û pour combien de temps ? û moins peser lors sur l’évolution des places boursières.

Redressement économique. Il y a un an, les indicateurs économiques étaient loin de susciter l’optimisme. L’incertitude entourant Saddam Hussein avait sapé la confiance des consommateurs et des chefs d’entreprise, en tarissant les investissements. Les ménages, eux, avaient nettement réduit leurs dépenses. Et puis, soudain, plus vite et plus vigoureusement qu’espéré, le redressement économique a pointé du nez aux Etats-Unis. Une politique monétaire extrêmement souple et des incitants fiscaux d’une ampleur jamais égalée ont donné un sérieux coup de pouce à la conjoncture.

Apaisement des craintes. Au début de 2003, les marchés européens étaient extrêmement méfiants. Les actions en général et les valeurs financières en particulier étaient cédées à n’importe quel prix : les observateurs craignaient qu’un problème de solvabilité n’expédie au tapis l’une ou l’autre institution financière. La méfiance vis-à-vis des actions et, plus généralement, l’aversion au risque, atteignaient leur paroxysme : les investisseurs vendaient leurs actions pour réinvestir en bons de caisse ou en emprunts d’Etat, préférant ainsi s’assurer un rendement, fût-il modeste. Toutefois, à mesure que les Bourses se sont redressées, certains investisseurs sont peu à peu revenus en Bourse : des cours qui montent attirent toujours les investisseurs.

A quand la bulle ?

Ces raisons expliquent le spectaculaire redressement boursier. Mais l’on sent bien que tout cela reste très fragile. En fait, la fête boursière pourrait bientôt prendre fin. Pourquoi ?

Excès d’optimisme. La confiance des investisseurs est grande, encore plus grande peut-être qu’en 2000, ce qui suscite des attentes (trop) élevées quant aux résultats des entreprises. Et ce qui entraîne les actions vers des sommets excessifs, dans le secteur des technologiques, notamment.

Un redressement économique durable ? Le redressement aux Etats-Unis, précurseur en matière économique, repose sur des fondements peu solides : déficit budgétaire important, déficit commercial gigantesque, ménages surendettés, faible taux d’épargne… La croissance s’appuie donc surtout sur la hausse de la Bourse et du marché immobilier…

Risque lié au dollar. La constitution d’énormes réserves de dollars en Asie et la faiblesse du dollar utilisée par les Etats-Unis pour sortir de l’impasse menacent, de fait, les exportations des sociétés européennes.

Comparaison historique. L’histoire boursière nous a appris qu’un redressement spectaculaire ne signifie pas forcément la fin de la période de déprime. Les grands marchés  » bearish  » (à tendance baissière) peuvent connaître de 6 à 8 mouvements de redressement  » sérieux  » avant qu’il soit question d’un réel renversement de tendance, enfin durablement positif.

Que faire ? Si l’on partage cette grille de lecture, la voie à suivre s’impose d’elle-même : l’investisseur réduira quelque peu ses positions en actions et augmentera la proportion de liquidités en portefeuille. Mais il faut avoir le courage de le faire alors que l’on n’a pas du tout rattrapé le chemin perdu depuis 2000 et alors que les Bourses ont plutôt tendance à grimper…

Danny Reweghs

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