Abou Jahjah, victime de la justice ?

La justice anversoise s’est-elle acharnée contre Abou Jahjah, après les émeutes de 2002 à Anvers ? Le sociologue Ludo De Witte en est convaincu.

Le sociologue flamand Ludo De Witte aime gratter là où ça fait mal. Sa contre-enquête intitulée L’Assassinat de Lumumba (Karthala, Paris, 2000), avait entraîné la création d’une commission d’enquête parlementaire. Celle-ci a abouti à la conclusion que les autorités belges avaient participé à la déstabilisation du premier Premier ministre du Congo, sans toutefois valider la thèse de l’élimination physique suite à un ordre précis.

Dans le magazine Knack du 24 avril (1), il remet le couvert, cette fois à propos de l’affaire Abou Jahjah. En novembre 2002, une émeute éclate à Anvers, après le meurtre d’un professeur de religion islamique, par un homme qui, par la suite, s’est avéré être un malade mental. Des jeunes d’origine marocaine s’étaient heurtés aux policiers. Les images de Dyab Abou Jahjah, très énervé, en discussion avec le commissaire en chef Luc Lamine, avaient accrédité son profil de meneur. Tempête dans le pays ! Indignation au Parlement !

Le 21 décembre 2007, le leader de la Ligue arabe européenne et son lieutenant, Ahmed Azzuz, ont été condamnés lourdement par le tribunal correctionnel d’Anvers (un an de prison ferme et une amende de plus de 5 000 euros). Motif : ils n’auraient pas usé de leur  » autorité morale  » pour calmer les jeunes ; au contraire, ils les auraient excités.

La justice a-t-elle été partiale, en écartant les témoignages qui ne lui convenaient pas et en faisant grand cas de deux autres, à charge, mais équivoques ? Ludo De Witte l’affirme. On pourra vérifier la justesse de ses propos lors de l’épilogue qui aura lieu devant la cour d’appel d’Anvers, à partir du 26 mai.

Deux témoins pointent donc Abou Jahjah et Azzuz comme des agitateurs. Le premier, le commissaire David Sannen, déclare que Jahjah a dirigé une charge contre les policiers, à laquelle ceux-ci ont réagi avec des peppersprays. D’autres témoins, dont Luc Lamine – que la justice n’a pas entendu -, ont indiqué que l’usage des peppersprays se situe avant l’arrivée d’Abou Jahjah ; et la charge de celui-ci n’est pas confirmée. Le second témoin, A. A., un policier d’origine marocaine, déclare avoir entendu Jahjah tenir des propos incendiaires en arabe. Quoiqu’il fût moins formel dans sa première déclaration que dans celle d’après.

A l’appui de son dossier, Ludo De Witte a recueilli, devant deux témoins de qualité, la déclaration anonyme d’un policier anversois, présent lors des émeutes. Il affirme que A. A. n’était pas dans le voisinage d’Abou Jahjah et que celui-ci a tenté de contenir les excités.

(1) De wankele bewijzen tegen Abou Jahjah (Les preuves chancelantes contre Abou Jahjah).

Marie-Cécile Royen

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