A qui profitent les Kim

Malgré son économie atone et son isolement, le régime dictatorial de Pyongyang joue l’agression pour perdurer. Même ses adversaires s’en accommodent.

DE NOTRE CORRESPONDANT

S’il faut reconnaître une qualité au régime de Pyongyang, c’est sa capacité de survie. Avec le soutien des Etats-Unis, la Corée du Sud cherche à faire condamner par les Nations unies son remuant voisin, accusé du torpillage d’une corvette, le 26 mars, en mer Jaune, qui a provoqué la mort de 46 marins. Alliée historique du Nord, la Chine semble hésiter sur la marche à suivre.

La République populaire démocratique de Corée (RPDC) en a vu d’autres. Déjà, en 2006 et 2009, des sanctions lui ont été imposées après ses essais nucléaires et tirs de missiles. Leur impact sur son économie, en développement lent mais régulier depuis le début des années 2000, reste à démontrer. L’effet politique, en revanche, ne fait guère de doute : la dictature de Pyongyang sait jouer avec brio le rôle de victime, qui semble justifier a posteriori sa rhétorique paranoïaque. Qui sait ? Le régime pourrait même se laisser tenter par la préparation d’un nouvel essai nucléaire, afin de confirmer son pouvoir de nuisance.

Washington maintient 28 000 soldats au Sud

Affaibli par une attaque cérébrale en août 2008, le  » cher leader « , Kim Jong-il, prépare sa succession. Sauf accident, le  » trône  » de la dynastie des Kim devrait revenir à sa mort à son troisième fils, Kim Jong-un, qui serait âgé de 26 ans. Ainsi se perpétuera un statu quo qui arrange beaucoup de monde. Car peu souhaitent l’effondrement de la RPDC. Les Etats-Unis profitent de la menace qu’elle représente pour maintenir 28 000 soldats en Corée du Sud, qui participent à la surveillance des mouvements maritimes chinois par Washington. Pékin, de son côté, supporte cet Etat tampon trublion, car il l’empêche d’avoir une frontière commune avec une péninsule réunifiée qui disposerait sur son territoire de quelques milliers de GI lourdement armés. La Corée du Sud, enfin, si elle souhaite en principe la fin d’une division vécue comme une tragédie nationale, n’est guère prête à payer le prix d’une réunification.

Dans ces conditions, l’issue de la crise suppose le rétablissement d’un dialogue, si difficile soit-il.  » La Corée du Nord a coutume de passer très vite de la crise à la négociation « , rappelle Mike Chinoy, spécialiste de la région. Pyongyang aurait alors obtenu une nouvelle fois, par la voie des armes, les moyens de prolonger sa survie. Très fort !

PHILIPPE MESMER

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