A la mort comme à la vie

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Sébastien Rose filme avec humour, émotion et justesse une Vie avec mon père explorant les rapports d’un écrivain malade avec ses deux fils

L’âge et l’approche de la mort inspirent décidément le cinéma québécois ! Après les superbes Invasions barbares du vétéran Denys Arcand, voici que Sébastien Rose, jeune réalisateur au talent déjà grand, nous offre une autre petite merveille de drôlerie, de justesse et d’émotion sur fond de philosophie. La Vie avec mon père a pour personnage central un écrivain célèbre, magnifiquement joué par Raymond Bouchard. François Agira ne s’est pas privé de brûler la chandelle par les deux bouts, menant une vie de création et de plaisirs égoïstes où ses deux fils, Paul et Patrick, n’occupèrent jamais la place qu’un papa aimant aurait dû leur donner. Au crépuscule d’une existence que la maladie va précocement abréger, le père réapparaît pourtant et réclame une attention que ses rejetons lui accorderont avec un enthousiasme initialement mitigé. Mais pour les frères dissemblables et un peu ennemis, Paul qui se croit écrivain raté et laisse paresseusement aller les choses, et Patrick qui s’immerge dans une vie professionnelle intense en vrai maniaque du contrôle, ces retrouvailles prendront l’allure d’une réconciliation…

 » C’est en écrivant que je trouve mes sujets, ou peut-être plutôt que mes sujets me trouvent « , sourit un Sébastien Rose qui s’était révélé au Canada voici trois ans avec son premier long-métrage, Comment ma mère accoucha de moi durant sa ménopause.  » Je m’assieds pour écrire et les choses commencent à sortir, poursuit le réalisateur, mais pourquoi certaines d’entre elles s’imposent à moi avec tant de force, je ne le sais presque jamais. J’ai écrit La Vie avec mon père comme sous la nécessité. Et, avec le recul, je me dis que c’était une façon d’exorciser quelque chose, en l’occurrence la mort d’un proche, l’idée qu’un être cher peut mourir demain, en direct devant moi, et qu’il me faudra y faire face… Je n’ai jusqu’ici connu la mort d’un proche que de manière indirecte, à travers l’expérience de certains amis, mais le sujet m’intéresse depuis longtemps, via notamment la lecture de ce qu’en dit Maurice Blanchot.  »

 » Ecrire un scénario, c’est organiser le chaos, donner une forme à ce qui naît spontanément dans le désordre de la vie. C’est demander à Apollon de parler par la bouche de Dionysos !  » explique joliment celui dont le script ciselé avec précision dans sa forme finale ne l’a pas bridé au moment d’y ajouter la chair des images.  » La mort, c’est déjà l’indicible, alors la mettre en images n’est vraiment pas évident « , soupire Sébastien Rose qui trouve pourtant les accents justes, et qui évolue en funambule inspiré sur la corde pourtant périlleuse d’un sujet recelant de nombreux pièges. Le moindre n’étant pas celui du sentimentalisme. Mais s’il accueille volontiers l’émotion, Rose sait aussi adopter un trait sec, chassant toute mièvrerie d’un film de bout en bout crédible et touchant.  » A la base, c’était le comique qui devait dominer le film, mais le drame s’y est de plus en plus infiltré, sans modifier mon point de vue qui était de montrer la mort comme une partie intégrante de la vie, comme une sorte d’aboutissement dans lequel la vie est encore et toujours célébrée « , commente le réalisateur.

Comique et tragique

Un pari réussi, par la grâce d’une construction narrative exemplaire, d’un filmage bien senti, d’une interprétation aussi et peut-être surtout qui achève d’emporter l’adhésion. Autour de Raymond Bouchard, Paul Ahmarani (Paul), David Lahaye (Patrick) et la pétulante Hélène Florent (compagne de Paul et ultime tentation charnelle du papa) sont tous épatants, et forment un quatuor dont la petite musique se fait entendre bien après le générique final.

Louis Danvers

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