9. Et sibeaucoup se jouait à l’hôpital ?

Même si des progrès ont été accomplis, l’accueil réservé aux suicidants par les services d’urgence hospitaliers est souvent froid, voire brutal. En fait, un véritable choc risque de se produire entre, d’une part, le personnel soignant, dont tout le travail consiste à protéger la vie des patients et, de l’autre, une personne qui a délibérément tenté de mettre fin à ses jours. Ceci explique les éventuelles réactions de déni, de culpabilisation ou de banalisation, parfois exprimées par des réflexions très cinglantes ( » Avec lui, on ne prend pas de pincettes « ) ou par un recours énergique aux lavages d’estomac. De plus, le personnel ne dispose pas toujours du temps, de la formation et/ou de la motivation nécessaires à l’écoute des suicidants. Quant aux services d’urgence psychiatriques, ils restent encore insuffisants.

Pourtant, l’hôpital est l’un des lieux clés pour la lutte contre le suicide. La plupart des tentatives de mettre fin à ses jours y aboutissent. Les urgences représentent un moment privilégié pour aborder la crise de front et tenter d’y apporter une ébauche de solution. Or  » 85 % des personnes qui ont commis une tentative quittent l’hôpital quelques heures plus tard avec, au mieux, un numéro de téléphone glissé dans leur poche : centre de santé mentale, consultation psychiatrique, médecin généraliste, etc., assure Axel Geeraerts. Pourtant, l’expérience de terrain montre que la plupart de ces patients n’ont pas les ressources intérieures nécessaires pour se rendre aux rendez-vous convenus.  » Bref, la courroie de transmission entre l’hôpital et les intervenants thérapeutiques ne fonctionne pas assez bien. Pourtant, on sait que le taux de récidive est de 15 % après une première tentative de suicide et qu’il grimpe jusqu’à 80 % après une troisième tentative.

Pour bouleverser ce schéma, le Centre de prévention du suicide a mis sur pied une formule de prise en charge des suicidants, en collaboration avec un groupe d’hôpitaux bruxellois. Originalité de la formule : la vitesse de réaction,  » très utile à un moment où la souffrance de la personne est accessible et où elle n’a pas encore eu le temps de mettre en place des mécanismes de défense, comme le déni ou la banalisation « , souligne Nicolas Miest, psychologue au Centre de prévention du suicide. Concrètement, le patient est invité, à l’hôpital, à donner son accord pour être contacté par téléphone, dans les 48 heures, par une cellule d’intervention psychologique, composée de travailleurs sociaux spécialisés. Etalé sur plusieurs semaines, un travail psychologique approfondi peut alors commencer, éventuellement prolongé par des intervenants classiques extérieurs : médecin de famille, psychiatre, centre de santé mentale, etc. Un succès ? Le taux de récidive après trois mois (la période la plus à risques) est proche de zéro.

P.G. et Ph.L.

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