1 600 actes de violence par an contre les policiers ?

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

 » Nous avons fait un appel aux chiffres. […] Seules 33 zones en avaient. Par multiplication, ce n’est pas 1 600 accidents du travail dus à des violences par tiers, c’est plus de 5 000 en vérité.  » Vincent Gilles, président du SLFP Police, le 27 octobre sur le plateau de Controverse (RTL-TVi).

Quelque 4 000 policiers, selon les chiffres de… la police, ont manifesté le 23 octobre à Bruxelles-Ville contre les violences physiques que subissent les agents. Selon le Syndicat libre de la fonction publique (SLFP) Police, principal membre de ce front syndical, au moins 1 600 policiers en seraient victimes chaque année. Et encore : le syndicat, dit-il, a recueilli ces chiffres auprès de la police fédérale et de 33 zones de police locales sur 195. Son président, Vincent Gilles, en déduit donc que le chiffre réel doit dépasser les 5 000. Réaliste ?

INVÉRIFIABLE Dans Le Soir, la criminologue Isabelle Detry se montrait sceptique face au chiffre de 1 600, basé selon elle sur une extrapolation. En effet, toutes les zones de police ne tiennent pas de registre des violences commises contre les agents. Mais Vincent Gilles nous précise qu’il citait en réalité des chiffres bruts obtenus auprès de la police fédérale et des 33 zones consultées. C’est celui de 5 000 qui, précise-t-il, constituerait une extrapolation.

Le président du SLFP Police a accepté, en toute transparence, de nous fournir ses documents, qui reprennent les données de 2010. Vérification faite, il semblerait que sa mémoire lui ait joué des tours : nous avons compté 47 réponses et non 33. Le nombre de faits recensés est d’environ 855 (toutes les zones n’ont pas répondu de la même manière). Il s’agit en majorité de rébellions et tous les cas n’ont pas donné lieu à des jours d’absence. Sans compter les 1 650 cas (gevallen) indiqués par la seule police d’Anvers, dont parfois 100 ou 200 sur une seule journée ! A comparer avec les 121 sur l’année de la zone Bruxelles-Ixelles. Si l’on ajoute les 137 accidents de travail causés par des tiers que nous communique la police fédérale pour 2010, le total s’élevait donc même à près de 2 650 faits plutôt que 1 600. Voilà qui mériterait à tout le moins un examen approfondi des définitions que chaque zone utilise…

Vincent Gilles ajoute que, d’après ses souvenirs, les zones répondantes rassemblaient une grosse vingtaine de pourcents des effectifs de la police locale. Nous n’avons pas vérifié cette affirmation, car elle ne permettrait d’en tirer aucune conclusion. Même s’il est exact que les zones en question semblent variées, avec un mélange de flamandes, bruxelloises et wallonnes, de rurales, semi-rurales et urbaines, ces éléments résultent du pur hasard. On ne saurait les considérer pour autant comme un panel rigoureusement construit.

N’existe-t-il donc aucun chiffre officiel qui permettrait de trancher la question ? Pas encore. Selon un rapport basé sur les procès-verbaux enregistrés dans la Banque de données nationale générale policière (BNG), on dénombrait 1 068  » coups et blessures volontaires sur un agent ou un officier  » en 2011, ainsi que six homicides. Le document ne précise pas si ces faits ont tous été commis alors que les agents concernés étaient dans l’exercice de leurs fonctions. A cela s’ajoutent, la même année, 6 392 cas de rébellion. Ce qui laisse penser au SLFP Police que son estimation de  » plus de 5 000  » est correcte. Mais peut-on considérer toute rébellion comme une violence ?

Bref, il semble impossible à l’heure actuelle d’établir un aperçu précis de la violence dont sont victimes les policiers. C’est d’ailleurs pourquoi, après la manifestation du 23 octobre, les ministres de l’Intérieur et de la Justice ont rappelé aux syndicats que la police fédérale est occupée à mettre en place un système d’enregistrement centralisé. Son entrée en vigueur est prévue le 1er avril 2014. Ce n’est pas une blague, paraît-il.

Ettore Rizza

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