Produire des repas… grâce à des déchets alimentaires (reportage)

Le Vif

Le Resto du cœur de Charleroi s’est lancé dans un projet inédit: produire du biogaz à l’aide de déchets alimentaires. Avec 30 kg de déchets, à peu près 40 litres de soupe seront produits. Explications.

Céline Pianini est la directrice du Resto du cœur de Charleroi. C’est la première fois qu’un projet écologique de cette ampleur se fait dans un Restaurant du cœur. Et elle espère que Charleroi servira d’exemple pour les autres. Mais l’histoire a commencé par leur rencontre avec la start-up Waste end. Une société qui lutte contre le gaspillage alimentaire. « Avant la crise sanitaire, le président et moi-même, nous avions l’ambition et l’envie d’aller vers des démarches plus écologiques : ne plus utiliser des gobelets plastiques jetables, ni des couverts. »

L’idée de produire du biogaz à partir de déchets alimentaires l’a donc imméditament séduite. Voilà en quoi consiste le prototype de Waste end, mais ce n’est malheureusement pas sans coût. « Il y avait une certaine somme à investir, et en tant qu’ASBL, c’était impossible. Nous n’avions pas le budget pour ce projet en plein Covid. Notre mission première était d’offrir des repas aux bénéficiaires et des colis d’hygiène », déplore la responsable. Mais le budget a fini par être trouvé. Retour en arrière.

Budget débloqué

Waste end avait entendu parler de la campagne Proximity (qui vise à encourager le développement durable sur le territoire de la ville) via le cabinet de l’échevin Xavier Desgain (Ecolo), en charge de la Transition écologique à Charleroi.  N’étant pas une association, la start-up ne pouvait pas poser sa candidature. L’équipe a alors rencontré le Resto du cœur, qui a posé sa candidature quand la Ville de Charleroi a lancé son appel à projets. Céline Pianini n’avait pas de grandes attentes, et ça a payé. « Notre dossier a été sélectionné. »

En cours d’installation

« Depuis quelques semaines, le matériel arrive », poursuit-elle. Les délais de livraison ont pris du retard avec la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. Mais le broyeur est déjà là… L’installation est en cours de construction. La mise en route est prévue d’ici la fin juin. Mais le biogaz ne sera pas produit dans l’immédiat. « Il faut entre un mois et demi et deux mois pour que les bactéries atteignent leur maturité et digèrent les déchets introduits chaque jour », explique la directrice carolo. « Waste end, ce sont eux les spécialistes de la biométhanisation. Moi, j’apprends petit à petit. J’ai envie de voir jusqu’où on pourra aller. »

Le fameux broyeux développé par Waste End pour le Resto du coeur de Charleroi (Jessica Collini)

Si le prototype fonctionne bien, Céline Pianini a pour objectif d’alimenter tous les appareils en biogaz. Du moins, ceux déjà approvisionnés en gaz de ville. « Une partie de la cuisine est alimentée par de l’électricité, et l’autre par du gaz », précise-t-elle. À  long terme, la directrice souhaiterait que la sauteuse, l’appareil le plus énergivore de la cuisine, passe au biogaz. Cette sauteuse est indispensable. « Nous y réalisons des plats mijotés, des carbonnades, du chili con carne, de la sauce  bolognaise… »  C’est donc un appareil très utilisé. Il est d’autant plus important qu’il soit alimenté au biogaz. « Nos chauffagistes y ont déjà regardé, c’est envisageable. » Le Resto du cœur de Charleroi distribue 275 repas par jour, rappelle-t-elle.

La Fédération des Restos du cœur de Belgique est curieuse de voir le résultat. D’autres Restos aussi.  À Charleroi, la soupe servira de test. Avec 30 kilos de déchets alimentaires, l’équipe sera en mesure de préparer environ 40 litres de soupe par jour. À  l’heure actuelle, les deux cuves ne sont pas encore installées. Les déchets seront versés plus tard dans ces mêmes cuves. D’habitude, l’installation est mise à l’extérieur. Au Resto du cœur, elle sera au sous-sol, et c’est une première. « Les pompiers nous ont épaulés pour que l’installation soit sécurisée. Ils sont déjà venus, et  reviendront avant la mise en route. Il fallait tout un système de protection avec des parois coupe-feu, un système d’alarme en cas de fuite, … »

Contre le gaspillage

Mais la biométhanisation, c’est quoi ?  Lola Brousmiche, cofondatrice de Waste end, prend l’exemple de l’estomac d’une vache. « Ce sont les mêmes bactéries qu’on va retrouver dans son système digestif. »

Ces bactéries vont extraire le méthane des déchets, composant qu’on retrouve aussi dans le gaz de ville. Si les deux gaz contiennent du méthane, il n’est pas question d’ajouter du biogaz au réseau existant. Les circuits seront donc séparés. « Nous allons mettre à disposition du Resto du cœur, une taque spéciale pour le biogaz », ajoute Lola, cofondatrice de la start-up. C’est lors de ses études qu’elle a appris les fondements de la biométhanisation. Le procédé n’est pas connu du grand public. Il est pourtant utilisé dans l’industrie agroalimentaire, les stations d’épuration, … « J’avais envie de travailler là-dedans. Avec Nathan, cofondateur, nous partageons les mêmes valeurs. »

Leur première installation était dans une maison de repos à Gerpinnes. Malheureusement, l’installation extérieure n’a pas résisté à la tempête Eunice. « On se substitue à une poubelle ! Notre installation n’est pas dans une cuisine. Il n’y a pas de contre-indication. »  

Sans compter que l’installation renfermera de l’engrais. « Le digestat est riche en nutriments, et intéressant pour les sols », souligne Lola. « Nous allons proposer à l’équipe du Resto du cœur une formation pour leur expliquer comment l’installation fonctionne. C’est un peu comme un animal de compagnie à nourrir. Il y a une ration à respecter, et c’est ainsi que ça va marcher. » 

La biométhanisation ? Aurore, qui travaille dans les cuisines du Resto du cœur, n’en avait jamais entendu parler. « Notre directrice nous a tout expliqués. » Cela fait 13 ans qu’elle travaille à Charleroi. « Quand je descends, je n’imagine pas encore comment l’installation va être! Le premier jour risque d’être difficile, mais après ça ira. »  Aurore n’est pas la seule, tout le personnel est curieux et attend de voir la fin juin pour assister à la mise en route.

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Jessica Collini

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