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Vaccination européenne contre le Covid: est-on vraiment sur le point de passer à la vitesse supérieure?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La vaccination européenne contre le Covid avance : à bon rythme selon certains, lentement selon d’autres. Pour arriver aux 70% d’Européens vaccinés, l’Europe s’est constituée un portefeuille de plusieurs vaccins. Certains sont déjà là, d’autres arrivent plus ou moins vite. Reste encore la question du vaccin russe, Spoutnik V, qui divise les Etats membres.

La vaccination européenne est sur de bons rails. C’est en tout cas l’avis du commissaire européen Thierry Breton. Pour lui, l’accélération de la production de vaccins permet à l’Europe de voir « la lumière au bout du tunnel », en dépit de la troisième vague. « Nous avons maintenant 52 usines qui travaillent 24 heures sur 24, sept jours sur sept en Europe pour produire » des vaccins contre le Covid-19. « On a la capacité de produire et de livrer pour nos concitoyens européens les 360 millions de doses prévues à la fin du deuxième trimestre et les 420 millions qui sont nécessaires (…) pour commencer à parler de cette immunité collective et l’atteindre » mi-juillet.

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Il avait déjà soutenu la semaine dernière que l’Europe pouvait atteindre l’immunité collective au 14 juillet. Pour lui, il faut « encore quelques semaines pour qu’on limite la propagation du virus et qu’en même temps on vaccine très significativement ». Mais est-il vraiment sur le point de passer à la vitesse supérieure ? On fait le point sur la dynamique des vaccins en Europe.

Ceux qui sont déjà là : Pfizer/BioNTech, Moderna et AstraZeneca

Doses précommandées par l’UE : 600 millions, 460 millions et 400 millions (2 doses chacun)

L’UE s’est assurée la livraison des vaccins auprès de plusieurs firmes pharmaceutiques, en finançant une partie de la recherche et de la production. Le but est ensuite de distribuer équitablement, en fonction de la population de chaque Etat, les doses des différents vaccins. Vu sa population, la Belgique peut ainsi compte sur 2,5% des doses précommandées.

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Pour l’instant, les 27 pays de l’Union européenne utilisent ces trois vaccins. Mais la précommande n’est pas l’étape la plus compliquée. Une fois les vaccins approuvés par l’Agence européenne des Médicaments (EMA), les doses sont acheminées vers les pays, qui sont chargés de l’administrer selon leur propre stratégie. Simple en théorie, galère sur le terrain. Car si chacun connait ses propres couacs internes, les Etats membres sont surtout tributaires des livraisons de doses, rarement respectées. La campagne de vaccination se poursuit donc, s’accélère tant que faire se peut, mais reste relativement coincée compte tenu de l’urgence pour contenir la pandémie, avec la troisième vague qui menace.

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Si Pfizer et Moderna connaissent des retards de livraisons, la tension se cristallise davantage autour d’AstraZeneca. Pour pallier les problèmes, concernant notamment AstraZeneca, l’Europe contrôle ses stocks et ses exportations. Thierry Breton a répété la position de la Commission: « Tant qu’AstraZeneca n’aura pas rempli ses obligations, tout ce qui est fabriqué sur le sol européen est destiné aux Européens. » L’UE soupçonne, en effet, le laboratoire suédo-britannique d’avantager le Royaume-Uni au détriment des Vingt-Sept.

Pour ce qui est de la Belgique, quatre millions de doses étaient prévues au premier trimestre. Mais selon la Taskforce Vaccination, nous en avons reçu moins de la moitié, environ 1,8 million. 12 millions de doses sont attendues pour le second trimestre, indique la Task Force. Si tout se passe bien.

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Celui qui arrive : Johnson & Johnson

Doses précommandées par l’UE : 400 millions (1 dose)

Le vaccin du laboratoire américain Johnson & Johnson sera livré en Europe à partir du 19 avril. Ce vaccin a été, mi-mars, le quatrième à obtenir le feu vert de l’Agence européenne du médicament. L’UE devrait recevoir au deuxième trimestre quelque 55 millions de doses. Mais le laboratoire n’a de son côté pas encore rendu public le calendrier exact de ses livraisons.

Ce vaccin va changer la dynamique des vaccins, car c’est le premier à ne nécessiter qu’une seule injection. Autre avantage : il peut être stocké à des températures de réfrigérateur. Le groupe pharmaceutique s’est par ailleurs engagé à le vendre à prix coûtant.

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Pour permettre d’augmenter sa production et de répondre à la demande, et éviter les couacs de ses prédécesseurs, Johnson & Johnson a passé ces derniers mois plusieurs accords avec des laboratoires et des sous-traitants en Europe, qui seront chargés de sa formulation ou de sa mise sous flacon: Sanofi en France, Catalent en Italie et IDT Biologika en Allemagne.

Celui que certains attendent : Spoutnik V

En examen à l’EMA, administré en Hongrie

Outre ces quatre vaccins, l’Union européenne a également précommandés 405 millions de doses de vaccin CureVac et 300 millions à Sanofi-GSK. Mais ce n’est pas pour tout de suite. Pour continuer à donner toutes ses chances à la campagne de vaccination et administrer des doses au plus vite aux citoyens européens, certains poussent pour avoir accès également à d’autres vaccin, comme le Spoutnik V russe. Ce vaccin fait partie des autres vaccins en cours d’examen par le régulateur européen.

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La Hongrie est actuellement le seul membre de l’UE à administrer ce vaccin. L’Autriche a par exemple annoncé mener des discussions avec la Russie pour recevoir prochainement un million de doses du vaccin Spoutnik V. La Slovaquie et la République tchèque ont également commencé à négocier directement la livraison de stocks alternatifs, en complément de ceux commandés par la Commission européenne. L’Allemagne a également émis le souhait de voir ce vaccin arriver sur le marché européen.

Mais les Européens sont divisés, moins pour une question de qualité ou de sûreté du vaccin que pour des craintes que la Russie utilise son vaccin comme un outil d’influence géopolitique. Des accusations, émises notamment par la France, que la Russie rejette.

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Faute de pouvoir en produire suffisamment et souhaitant dédier en priorité sa production à la population russe, Moscou n’en a toutefois expédié jusqu’à présent que des quantités réduites à l’étranger. Ces approvisionnements ont été mis en avant à grand renfort de publicité et la Russie cherche à diversifier ses sources de production, en multipliant les accords avec des firmes étrangères.

Pour Thierry Breton, l’Europe n’a « absolument pas besoin » de ce vaccin. « Tous les vaccins sont les bienvenus », estime-t-il néanmoins, argumentant que le vaccin russe est « très faiblement produit » et que, s’il était approuvé en Europe, il faudra du temps pour « trouver le moyen de le faire fabriquer ». Ce qui selon lui ne répond pas à la question d’avoir suffisamment de doses avant la mi-juillet.

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Outre Spoutnik V et CureVac, le vaccin américain Novavax est également en examena auprès de l’Agence européenne des médicaments. L’Europe n’envisage pour l’instant pas d’autres vaccins, comme les chinois Sinopharm et Sinovac, dont des experts de l’Organisation mondiale de la Santé ont annoncé qu’ils étaient sûrs et efficace, même si des données supplémentaires sont nécessaires.

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