Mélanie Geelkens

« Une sacrée paire d’astronautes »

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Faudrait pas s’appesantir là-dessus. C’était top, les filles, votre petite réparation cosmique, le 18 octobre. Bravo. Ooooh, une première sortie spatiale 100 % féminine ! Ahahah, la Nasa qui avait oublié de confectionner des combinaisons adaptées ! Ouuuuuh, 89 % des astronautes à travers le monde sont des hommes ! Mais bon, après toutes les exclamations d’usage, l’actualité est passée à autre chose. Oui… mais un moment, svp.

Le temps de lire ceci :  » Peut-être qu’il n’y en avait jamais eu avant parce qu’aucune femme ne s’était assez investie dans le projet ? Qu’il n’y en avait tout simplement pas de suffisamment compétentes ? […] Non, c’est toujours de la faute des méchants messieurs. Le discours victimaire, ça me saoule  » (1), avait conclu ce jeune homme avant de se désabonner du compte Instagram @unesacreepaire, au motif qu’il lui  » donnait des boutons « .

Compétence. Fallait le dire plus tôt, que toutes les autres avant Christina Koch et Jessica Meir étaient trop bêtes ! Comme Valentina Terechkova, une vraie tarte qui pilotait seule son vaisseau à 26 ans ; première dame à aller faire coucou aux étoiles en 1963. Puis, c’est évidemment parce que toutes les meufs du monde, sans la moindre exception, avaient le cerveau aussi rempli qu’un seau d’air qu’il aura fallu attendre dix-neuf ans pour qu’une deuxième visite l’espace (respect, Svetlana Savitskaïa).

C’est pas non plus comme si, en 1959, un médecin de la Nasa, chargé de tester les aptitudes féminines, concluait que les treize candidates retenues remplissaient  » tout à fait les conditions physiques et physiologiques pour suivre les mêmes entraînements que leurs collègues masculins « . Quelqu’un, alors, pour élucider pourquoi l’agence américaine n’ouvrit ses recrutements officiels aux femmes qu’en 1977 et que la première US astronaut, Sally Ride, dut attendre 1983 pour s’envoyer en l’air ?

C’est tout simple, en fait, l’explication. Il aurait pu y en avoir d’autres, plus tôt, comme la pilote Jerrie Cobb, encore une idiote qui avait obtenu sa licence de vol à 17 ans. Mais, en 1963, le Congrès américain, qui devait se prononcer sur la possibilité pour les femmes de devenir astronautes, avait décrété que non. Parce que  » les hommes font la guerre, pilotent des avions, (en) conçoivent de nouveaux, les fabriquent et les testent. Le fait que les femmes ne sont pas dans ce domaine fait partie de notre ordre social.  » Toutes des connes, donc. Vaut mieux lire ça qu’être aveugle.

Alors méchants, peut-être pas. Messieurs, assurément. Machos, complètement. Ou reflets d’une époque où bobonne n’était autorisée qu’à manier le manche de sa poêle ou de son balai. L’histoire s’est répétée à chaque fois que ces dames ont voulu débarquer dans des univers testostéronés. Isala Van Diest, première femme universitaire et médecin belge, dut aller étudier en Suisse car l’UCL lui refusait l’accès à ses amphis. Neuf autres candidatures avaient été posées (depuis… 1760 ! ) avant que l’écrivaine Marguerite Yourcenar ne fasse son entrée à l’Académie française (en… 1980 ! ).  » Si on élisait une femme, on finirait par élire un nègre… « , s’était même fendu un académicien. Et si la première femme ministre, Vijaya Lakshmi Pandit, ne fut nommée en Inde qu’en 1953, c’est évidemment parce que toutes les politiques avant elles étaient de parfaites incompétentes.

Le problème, avec les femmes, c’est qu’à force de leur répéter qu’elles sont inférieures, certaines finissent par y croire. Et à s’exclure presque naturellement de carrières censées ne pas leur convenir. Qu’il faille arrêter le discours victimaire et davantage se bouger la paire, OK. Mais imaginer qu’il aurait suffi à la gent féminine (et qu’il lui suffit) de s’investir dans le projet pour que le monde patriarcal intègre ses compétences, c’est aussi marrant que saoulant. Pour les problèmes d’acné, par contre, mieux vaut consulter.

(1) L’orthographe et la syntaxe ont été corrigées.

C’est ça de gagné

 » Faire la lessive avec maman et papa « ,  » Deviens le roi ou la reine de fourneaux « ,  » Bricole comme maman ou papa avec ta foreuse « … Dans son catalogue de jouets pour la Saint-Nicolas, Lidl a décidé de  » casser les codes et de mettre la mixité en avant « , selon le porte-parole du groupe, Julien Wathieu. Y compris sur les images (qui ne proviennent pas de banques de données), en faisant poser un garçonnet comme caissier, en train de jouer avec une maison de poupées… Reste au grand Saint à réellement offrir des machines à laver aux garçons et des foreuses aux filles.

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femmes occupent désormais des postes d’entraîneuses adjointes en NBA. Cinq nouvelles  » coachs assistantes  » ont été nommées ces dernières semaines, alors que la ligue de basket américaine n’en recensait aucune il y a cinq ans. Certaines sont dix fois moins payées que leurs homologues masculins, mais bon… Bientôt une entraîneuse principale ?

Réalité virtuelle

L’initiative de Lidl (voir ci-dessus) a été saluée par le compte Instagram Pépitesexiste (38 900 abonnés) qui, d’habitude, épingle plutôt des énormités genrées. Dans les publicités, les magasins, les médias, l’espace public… Comme ces tee-shirts  » Génie de père et fils  » mais  » Attachiante de mère en fille « . Ou le champagne à l’étiquette rose  » Pop it’s a girl « , vendu 15 euros, alors que le bleu  » Pop it’s a boy  » en coûtera 12. La fondatrice, Marion Vaquero (27 ans), contacte aussi les marques pour leur mettre le nez dans leurs inégalités. Et, parfois, elles rectifient le tir. Les prix du fameux champagne, ont par exemple, été  » harmonisés  » à 14 euros. Pop, it’s a victory.

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