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Un village écolo s’éclaire au fumier

Le Vif

Coincés au coeur de la jungle thaïlandaise, sans connexion au réseau électrique, les villageois de Pa Deng ont joué les pionniers en adoptant la bouse de vache comme source alternative d’énergie.

Après avoir réussi à illuminer leurs maisons avec des panneaux solaires et des réservoirs de biogaz alimentés par de la bouse, ils essayent d’exporter leur idée dans d’autres communautés rurales.

« Au début, nous ne voulions pas croire que les excréments pouvaient servir de combustible », explique Wisut Janprapai, l’un des villageois, sur le seuil de sa maison en bois. Cette idée lui avait été soufflée par un ami birman, explique-t-il.

Aujourd’hui, après quelques années d’expérimentation, près de 100 familles de Pa Deng utilisent de petits poêles fonctionnant grâce à du biogaz. A l’arrière des maisons, d’immenses réservoirs en polyester se remplissent de gaz après décomposition du fumier et d’autres déchets organiques sous l’effet des micro-organismes.

Cette source d’énergie est plus écologique et plus durable que la combustion du bois et permet de ne pas défricher la forêt alentour.

« Ce n’est pas compliqué, il suffit de mettre la nourriture et les déchets à l’intérieur. Et ensuite, le gaz arrive », explique Kosol Saengthong, impliqué dans le projet.

Seuls quelques villages en Thaïlande ont comme Pa Deng développé des énergies vertes, le reste de la Thaïlande fonctionne principalement grâce au pétrole, au charbon et au gaz naturel – en grande partie importés.

Crise énergétique en vue

Tous les gouvernements récents ont prévenu que le pays connaîtrait une crise énergétique si les tendances de consommation continuaient sur la même courbe. Le royaume est le deuxième plus grand consommateur d’énergie en Asie du Sud-Est après l’Indonésie, selon des données du gouvernement américain datant de 2013, et le 22e dans le monde.

Une consommation très largement tirée par la capitale Bangkok, où certains immenses centres commerciaux pompent plus d’énergie que des provinces entières.

Mais par rapport à ses voisins, la Thaïlande est un investisseur de premier plan dans les énergies renouvelables. Et le pays prévoit de faire passer la part des carburants propres de 12% à 25% ces cinq prochaines années.

Le Fonds mondial pour la nature (WWF) estime que le pays pourrait toutefois faire bien mieux, grâce à son ensoleillement et sa position géographique.

Et Phirat Inphanich, du ministère de l’Energie, reconnaît que le royaume pourrait faire un meilleur usage de ses ressources. « Mais il n’est pas facile de changer les mentalités », estime l’analyste, qui multiplie les déplacements dans le pays pour inciter les collectivités à se tourner vers les énergies propres sur les traces de Pa Deng.

La première fois que ce village a vu l’électricité, c’est après un don de panneaux solaires, il y a une dizaine d’années, de la part de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, bête noire de la junte conservatrice aujourd’hui au pouvoir.

Mais après quelques années d’utilisation, les panneaux sont tombés en panne et personne ne savait les remettre en route. « Nous avons donc décidé d’envoyer nos villageois étudier pour que nous puissions les réparer », raconte Kosol, l’un des responsables du village.

Aujourd’hui, ces improbables experts en panneaux solaires et autres technologies vertes enseignent à d’autres communautés rurales comment produire de l’énergie tout en réduisant leur empreinte écologique.

« J’étais surpris de voir comment les gens étaient aimables et désireux de partager leurs connaissances avec moi. Maintenant c’est à mon tour de le faire, d’enseigner aux autres », affirme Kosol lors d’un séminaire qui s’est récemment tenu dans le village.

Mais tout le monde n’adhère pas: seul un cinquième des familles de la région de Pa Deng contribue au réseau.

Certains veulent tout simplement davantage, regrette Wisut Janprapai, qui possède plusieurs panneaux solaires alimentant un ventilateur et un téléviseur ainsi qu’un poêle branché au bio-gaz.

Pourtant, « nous n’avons pas besoin de climatisation ou de réfrigérateur », estime-t-il, ajoutant que l’environnement bruyant et lumineux de Bangkok est peu enviable. « La nuit n’existe pas là-bas ».

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