William Burns, directeur de la CIA.

Comment une visite secrète de la CIA a sauvé la peau de Zelensky (et de Kiev)

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Une mission secrète du patron de la CIA en Ukraine, peu avant l’invasion russe, a alerté Zelensky sur les risques d’un assaut imminent. Visé par au moins deux projets d’assassinat, le président ukrainien, dubitatif au premier abord, a finalement encaissé les informations du renseignement américain comme un électrochoc. La CIA a probablement sauvé sa peau, et empêché l’Ukraine d’être attaquée à froid.

Les États-Unis ont averti le président ukrainien Zelensky des projets russes visant à l’assassiner, des semaines avant l’invasion. Au moins deux tentatives ont été déjouées grâce aux informations de la CIA. Le journaliste américain Chris Whipple le révèle dans un nouveau livre, dont plusieurs extraits sont publiés dans The Independent.

Dans “The Fight of His Life: Inside Joe Biden’s White House”, qui traite des deux premières années du président américain à la Maison Blanche, Chris Whipple dévoile comment les États-Unis ont tenté de convaincre Zelensky que l’invasion russe était imminente. Dans cet ouvrage, publié le 17 janvier, l’auteur et réalisateur de documentaires s’est entretenu avec Biden, son chef de cabinet, ses conseillers et le patron de la CIA William Burns, entre autres. Avec de nombreuses révélations à la clé.

Une mission secrète décisive de la CIA

Parmi elles, les avertissements du chef de la CIA, qui ont été transmis à l’Ukraine en janvier 2022, sont particulièrement édifiants. Ce dernier a été envoyé par la Maison Blanche en mission secrète à Kiev. La raison de cette visite : selon les Etats-Unis, Zelensky ne semblait pas plus préoccupé que cela par les renseignements américains qui alertaient sur le renforcement des troupes russes à la frontière. Zelensky a alors déclaré, entre autres, que les informations faisant état d’une invasion russe imminente provoqueraient la « panique ».

William Burns, un ancien ambassadeur américain à Moscou, a mis le président ukrainien « face aux faits. » Le patron de la CIA a ensuite été chargé, par Joe Biden himself, de soumettre « des détails précis sur les plans d’assassinat russes » qui visaient Zelensky. Selon les informations des services de renseignement américains, des commandos russes auraient bel et bien voulu éliminer Zelensky. Le journaliste Chris Whipple ne fournit pas plus de détails sur les plans d’assassinat en question. Une chose est certaine : ils visaient le président ukrainien, à deux reprises (minimum).

La visite de William Burns aurait, selon Chris Whipple, ramené Zelensky sur terre. Comme un électrochoc. La mission du patron de la CIA « a immédiatement réveillé l’attention de Zelensky », décrit Whipple dans The Independent. « Il a été décontenancé par cette nouvelle. Les renseignements étaient si détaillés qu’ils ont aidé les forces de sécurité ukrainiennes à contrecarrer deux projets russes d’assassinat sur Zelensky.

Peu après l’invasion, Zelensky a alors reconnu publiquement qu’il était la cible principale des Russes. Ensuite, c’est la déferlante médiatique. Le chef de cabinet et conseiller principal de Zelensky, Mikhail Podolyak, annonce deux jours après l’invasion que le président avait survécu à plus d’une douzaine de tentatives d’assassinat à ce jour. « Je ne me cache pas », déclarait Zelensky à l’époque, dans une vidéo depuis son bureau. « Et je n’ai peur de personne. »

Les Etats-Unis et la CIA ont tout tenté pour dissuader la Russie

Chris Whipple explique également que le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, n’a pas du tout été impressionné lorsque les Américains l’ont appelé juste avant l’invasion pour donner un dernier avertissement à la Russie. À l’époque, l’administration Biden était certaine, sur la base des informations des services de renseignement, que Vladimir Poutine procéderait à l’invasion. Les États-Unis étaient, entre autres, alarmés par les exercices militaires russes en Biélorussie.

« Eh bien, je peux vous dire que ces troupes ne seront plus là très longtemps », a répondu Sergueï Choïgou à son collègue américain Lloyd Austin, par téléphone. Quelques jours plus tard, des unités russes en Biélorussie traversent effectivement la frontière et entament l’invasion vers Kiev, qui se solda par un échec total. L’Ukraine avait été prévenue, in extremis. Il leur restait peu de temps pour se préparer, mais cela a suffi pour contrecarrer les plans russes, qui pensaient prendre le contrôle de Kiev en quelques jours.

En plus de sa visite à Zelensky, William Burns a également entrepris une mission secrète à Moscou pour dissuader les Russes d’envahir l’Ukraine. Trois mois avant l’assaut russe, il a eu une conversation téléphonique avec Poutine, pour avertir la Russie. Le président russe était alors dans sa résidence de campagne à Sotchi.

William Burns a prévenu Poutine que des sanctions très lourdes seraient imposées à la Russie si l’invasion se réalisait. Poutine n’aurait pas nié que les troupes russes massées à la frontière envahiraient l’Ukraine. L’invasion a eu lieu, les sanctions aussi.

La passivité de Zelensky face aux avertissements, erreur majeure

Le fait que Zelensky ait remis en question et minimisé les avertissements américains concernant l’invasion russe est considéré comme l‘une de ses principales erreurs. Selon lui, ces messages étaient préjudiciables à l’économie. « Nous n’avons pas besoin de paniquer », déclarait-il trois semaines avant l’invasion. « Des chefs d’État, même respectés, signalent qu’il y aura la guerre demain. C’est la panique. Je suis le président de l’Ukraine et je pense que je sais mieux quelle est la situation ici », disait-il. Visiblement, la CIA était mieux informée de ce qu’il allait se passer en Ukraine que le président du pays lui-même.

Le chef de l’armée américaine, le chef d’état-major Mark Milley, avait également averti que les Russes, avec plus de 100.000 soldats, avaient suffisamment de troupes pour procéder immédiatement à une invasion, sans de réels préavis. La Maison Blanche a ajouté que toutes les informations de renseignement indiquaient que le Kremlin pourrait envahir l’Ukraine « à tout moment ».

Une dizaine de jours avant l’invasion, Zelensky a plaisanté sur Facebook en disant que l’invasion était imminente. « On nous a dit que le 16 février serait le jour de l’attaque », disait le président avec sarcasme. « Nous en ferons la Journée de l’unité nationale. »

On ignore quelle aurait été la situation sans l’intervention des services secrets américains. En tout état de cause, ils ont sauvé la peau de Zelensky, et peut-être même de Kiev, première cible des Russes au début de l’invasion.

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