Pour son premier acte politique de président élu à l'égard de la Russie, l'Ukrainien Volodymyr Zelensky n'a pas manqué de répondant. © Anna Marchenko/belgaimage

Ukraine-Russie: épreuve de force entre Zelensky l’apprenti et Poutine l’aguerri

Christian Makarian

Entre le président ukrainien fraîchement élu Volodymyr Zelensky et son homologue russe Vladimir Poutine, l’épreuve de force est déjà engagée.

L’un est l’élu antisystème d’un pays en guerre et très affaibli ; l’autre est la quintessence d’un régime fort qui exalte un Etat personnifié. L’élection de Volodymyr Zelensky au siège de président de l’Ukraine met donc aux prises ce représentant déroutant de l’ère postpolitique avec Vladimir Poutine, incarnation la plus affirmée du contrôle politique maximal.

La première épreuve de force n’a pas tardé. Quelques jours à peine après l’élection de Zelensky, comme pour tester les capacités de réaction de ce dernier, le clash inaugural est naturellement venu de Moscou. Poutine a décidé de faciliter l’obtention de la citoyenneté russe à certaines catégories d’Ukrainiens, notamment les habitants de Donetsk et de Lougansk, dans la région est de l’Ukraine, aux mains des séparatistes prorusses. Un oukase auquel Zelensky a aussitôt répondu sur son compte Facebook :  » La nationalité russe donne seulement le droit d’être arrêté lors d’un rassemblement pacifique et de ne pas participer à des élections libres.  » Et d’ajouter, avec une ironie d’humoriste professionnel :  » Nous accorderons la citoyenneté ukrainienne aux gens de toutes les nations qui souffrent sous des régimes autoritaires et corrompus. Mais avant tout et surtout aux Russes, qui souffrent plus que tous.  » Ce à quoi Poutine a à son tour répliqué :  » Si, en Ukraine, on commence à distribuer des passeports aux Russes et qu’en Russie nous en distribuons aux Ukrainiens, alors, tôt ou tard, nous arriverons au résultat attendu : tous auront la même citoyenneté. « 

Ces zakouski si acides ne préjugent pas forcément de la suite, mais ils démontrent que Vladimir Poutine se demande sur quel pied va danser son homologue ukrainien, dont l’inexpérience totale représente un vrai défi pour la Russie. Or, la même question se pose également aux Occidentaux.

Dans la phase actuelle, le problème principal de Zelensky est de s’entourer d’une équipe compétente, susceptible de compenser son absence criante de culture politique. Car la composition de sa garde rapprochée soulève une interrogation essentielle : Zelensky sera-t-il un acteur à part entière ou restera-t-il tributaire des personnalités influentes qui l’ont aidé à prendre le pouvoir ? Dans le premier cas, il devra s’imposer frontalement comme il vient de s’y essayer, en répondant du tac au tac à Vladimir Poutine, ce qui ne marquera pas de vraie rupture tactique avec son prédécesseur, Petro Porochenko ; dans le second, il devra privilégier ce qui est bon pour l’économie, pour le niveau de vie de la population, et tenter de sortir de la phase dure du conflit avec Moscou en négociant.

Dans les liens ténus de ce comique devenu chef d’Etat avec les milieux d’argent, on aurait tort de ne voir que des sujets d’épouvante. En Ukraine, l’idéologie joue un rôle moins décisif que les réseaux économiques et les intérêts bien partagés. Compte tenu du caractère très imbriqué des rapports entre le business et la politique, Zelensky, qui n’appartient pas à l’establishment politicien (ni administratif, ni militaire, ni sécuritaire), pourrait se frayer un chemin grâce justement à son profil atypique. A condition de nommer son contraire au poste de Premier ministre, une personnalité jouissant à la fois d’une vraie expérience et d’une capacité à manoeuvrer au sein du Parlement. On ne sort pas de la sclérose postsoviétique par l’avènement spontané d’une démocratie irréprochable.

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