© Belgaimages

Ukraine: l’axe Moscou/Pékin inquiète les Occidentaux

Le Vif

Le rapprochement stratégique entre la Russie et la Chine, qui soutient des revendications de Moscou en Ukraine, ébranle « les règles de l’ordre international », ont averti les Occidentaux, inquiets de voir ces puissances vouloir « imposer leurs modèles autoritaires ».

Européens et Américains ont parfaitement reçu le message envoyé par les présidents russes Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping qui ont annoncé, lors d’une rencontre début février, une « nouvelle ère » dans les relations internationales. Les préoccupations de la Russie autour de l’Ukraine « doivent être respectées » au même titre que celles des autres acteurs de cette crise, a affirmé samedi le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi devant la Conférence de Munich sur la sécurité.

La Russie et la Chine « cherchent à remplacer les règles internationales existantes », a lancé de son côté la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen devant les dirigeants internationaux rassemblés pour trois jours. Pékin et Moscou « préfèrent la règle du plus fort à la règle du droit, l’intimidation au lieu de l’autodétermination, la coercition au lieu de la coopération », a mis en garde la responsable de l’UE.

Après leur rencontre à Pékin, les deux chefs d’Etat avaient affiché leur complicité lors de l’ouverture des Jeux Olympiques, boycottés par la plupart des dirigeants occidentaux, symbolisant leur nouvelle coopération face à l’alliance politique et militaire de l’Otan. Xi Jinping est allé encore plus loin en se disant, avec Moscou « opposé à tout élargissement futur de l’Otan », soutenant ainsi l’exigence principale de Moscou dans son bras de fer avec les Européens et Washington autour de l’Ukraine.

« Pour la première fois, Pékin se joint à Moscou pour demander à l’Otan de ne plus admettre de nouveaux membres », s’est ému samedi le secrétaire général de l’Otan Jean Stoltenberg à Munich. « Il s’agit d’une tentative de contrôler le destin de nations libres, de réécrire les règles internationales et d’imposer leurs propres modèles autoritaires de gouvernance », a-t-il ajouté.

« Faire reculer l’histoire »

Alors que les dirigeants occidentaux accusent Moscou de vouloir envahir l’Ukraine, l’escalade des dernières semaines « pourrait remodeler l’ensemble de l’ordre international », a insisté la cheffe de la Commission européenne. Symbole de cette rupture stratégique : alors que la Russie participait régulièrement, ces dernières années, à la Conférence de Munich, elle n’a envoyé aucun représentant cette année.

Le chef de la diplomatie chinoise, lors d’une intervention par vidéoconférence, a aussi lancé une mise en garde voilée à l’Otan. « La sécurité d’une région ne peut pas être atteinte en renforçant les blocs militaires », a-t-il dit. Pour sceller leur rapprochement, Pékin et Moscou ont mis de côté – au moins temporairement – leurs différends bilatéraux, notamment les désaccords territoriaux dans l’extrême-orient russe et l’expansion de l’influence chinoise dans les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale. Les deux pays préfèrent développer une lecture parallèle des tensions à l’oeuvre en Europe et en Asie : la Chine voit ainsi dans la défense de Taïwan par les Occidentaux la même politique d’ingérence dont la Russie accuse l’UE en Ukraine.

« Moscou tente de faire reculer l’histoire et de recréer sa sphère d’influence », a accusé samedi Jens Stoltenberg, qui invoque régulièrement le spectre de la Guerre froide pour décrire la crise en cours autour de l’Ukraine. S’exprimant à Munich, le chancelier allemand Olaf Scholz a mis en garde contre cette seule lecture bipolaire, rappelant que le monde n’est plus, comme avant 1989, divisé camp communiste et pays capitalistes. « Il n’y a plus que des pays capitalistes sur le globe, hormis la Corée du Nord. (…) La différence entre les Etats porte désormais sur l’autocratie, sur la façon de gouverner nos pays, sur la démocratie », a-t-il observé. « Il est absolument clair que nous entrons dans un monde multipolaire« , estime M. Scholz, convaincu les autres pays d’Asie, qui aspirent également à faire entendre leur voix, n’accepteront pas d’éventuelles « tentatives de la Chine ou de la Russie de construire leurs propres sphères de domination ou d’intérêt. « Ni la Corée, ni le Japon, ni le Vietnam, l’Indonésie ou la Malaisie » ne l’accepteront, a averti le chancelier allemand.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire