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Turquie: qu’attendre des élections locales?

Le Vif

Le Parti de la justice et du développement (AKP) du président turc Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir en Turquie depuis 2002, vise le 31 mars une quatrième victoire lors d’élections locales.

Mais il affronte cette fois-ci une opposition plus unie dans un contexte défavorable de récession économique et une lassitude générale des électeurs pour ce sixième scrutin en six ans, qui pourrait se traduire, selon des experts, par une faible participation. Malgré cela, l’AKP va probablement arriver en tête même s’il risque de perdre des voix.

Quels sont les enjeux ?

Il existe 30 métropoles en Turquie, dont Ankara, Istanbul et Izmir (ouest), et 51 chefs-lieux de province. En fonction de leur municipalité, les électeurs voteront le 31 mars pour élire le maire de leur ville, mais aussi pour d’autres responsables locaux comme les maires de district, les membres de l’assemblée municipale de leur district et leur « muhtar » (une sorte de chef de quartier).

Après le référendum sur la révision constitutionnelle de 2017, M. Erdogan a cherché à renouveler les rangs de l’AKP, déplorant l’usure de certains de ses membres. Plusieurs maires, notamment ceux d’Istanbul et Ankara ont été poussés vers la sortie. Ce scrutin municipal sera également le premier au cours duquel l’AKP présentera des candidats communs avec le Parti d’action nationaliste (MHP), une formation ultranationaliste.

Le Parti républicain du peuple (CHP) et le Bon (Iyi) parti ont également annoncé des candidats communs dans certaines villes. Et dans le but de se donner à l’opposition toutes les chances de battre le parti au pouvoir, le Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde) a décidé de ne pas présenter de candidats dans des provinces de l’ouest du pays afin d’éviter la dispersion des votes.

Quel impact de l’économie sur le vote ?

Les élections surviennent dans un contexte difficile pour l’AKP avec une économie en berne, alors que ses succès économiques ont toujours été l’un des piliers de ses victoires électorales. L’économie pâtit en effet d’une inflation à deux chiffres et de la première récession depuis 2009.

Les électeurs s’inquiètent déjà de savoir s’ils peuvent s’offrir certains légumes comme les poivrons ou les aubergines dont les prix ont explosé, et la situation des ménages risque de se tendre davantage avec le ralentissement économique. Mais certains experts tempèrent l’effet que l’économie peut avoir sur les résultats du scrutin. « L’AKP peut perdre des voix du fait de sa mauvaise gestion de l’économie, mais l’ampleur de ces pertes pourrait ne pas être suffisante pour que les élections soient considérées comme une défaite pour l’AKP », estime Menderes Cinar, professeur à l’université Baskent à Ankara

Une participation en baisse ?

Les provinces où le CHP pourrait créer la surprise la nuit du vote sont Ankara, Bursa dans le nord-ouest du pays et Adana, Antalya et Mersin au sud, selon Berk Esen, professeur associé à l’université Bilkent d’Ankara. Mais le taux de participation sera un facteur déterminant. « Ces élections sont une occasion importante pour que les électeurs s’expriment » sur les autorités locales, explique Burak Bilgehan Özpek, professeur associé à l’université TOBB à Ankara. Et « il y a des frustrations avec tous les partis ».

Selon Yakup Peker, du think-tank Tepav, l’AKP et son alliance risquent de perdre des électeurs qui « pourraient ne pas aller voter » faute d’alternative. Mais d’après lui, les électeurs de l’opposition sont tout aussi mécontents.

L’opposition peut-elle remporter la capitale ?

Les experts s’accordent pour dire que l’opposition a peu de chances de remporter Istanbul, où l’AKP présente l’ancien Premier ministre Binali Yildirim. Mais M. Özpek note qu' »il y a de la compétition à Ankara », où se présente Mansur Yavas, candidat commun du CHP et du Bon parti, déjà candidat malheureux dans la capitale en 2009 et 2014.

M. Yavas a affirmé à l’AFP qu’il considère avoir un avantage puisqu’il représente cette fois-ci deux partis, mais qu’il sera attentif à la sécurité des urnes alors que l’opposition conteste les résultats du vote de 2014. Il a aussi critiqué la campagne « injuste » de son adversaire, Mehmet Özhaseki, l’accusant d’utiliser les « moyens de la mairie ». « Nous ne sommes absolument pas égaux dans cette course », estime M. Yavas.

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