Turquie: Erdogan entame son troisième mandat de président

Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans, a entamé samedi son troisième mandat de président sous une pluie violente qui s’est abattue sur Ankara.

Le chef de l’Etat de 69 ans, réélu le 28 mai avec 52% des suffrages, a prêté serment devant le Parlement pour un nouveau mandat de cinq ans et promis « d’assumer son devoir avec impartialité ». Il devait ensuite se recueillir au mausolée du fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk, avant des cérémonies protocolaires au palais présidentiel et un grand dîner le soir, après lequel il annoncera la composition de son gouvernement.

« En qualité de président, je jure de protéger l’existence et l’indépendance de l’État, l’intégrité de la patrie, la souveraineté inconditionnelle de la nation, l’État de droit (et) le principe d’une république laïque » telle que conçue par Atatürk, le « père des Turcs », a déclaré le président connu pour la défense de positions islamo-conservatrices.

Outre une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement, selon la presse pro-gouvernementale, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan avait confirmé sa présence. Il doit tenter une nouvelle fois de lever le veto turc à l’entrée de la Suède dans l’Alliance atlantique, barrée depuis treize mois, si possible avant un sommet de l’Organisation à Vilnius en juillet.

L’Otan et la Suède

« Message limpide à nos amis suédois ! Respectez vos engagements (…) et prenez des mesures concrètes dans la lutte contre le terrorisme. Le reste suivra« , a tweeté jeudi soir l’actuel ministre des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu. Malgré une Constitution amendée et une nouvelle loi contre le terrorisme, Ankara reproche toujours à la Suède d’abriter des réfugiés kurdes qu’elle qualifie de « terroristes ». Stockholm a d’ailleurs autorisé une manifestation dimanche sur le thème « Non à l’Otan, pas de lois Erdogan en Suède« , organisée notamment par des associations de soutien aux groupes armés kurdes en Syrie.

Autre dossier brûlant, la liste des ministres qui sera annoncée dans la soirée, après les festivités, doit donner une idée des orientations retenues par le chef de l’Etat pour redresser l’économie en crise. Pour cette tâche ardue, le nom d’un expert reconnu, Mehmet Simsek, circule avec insistance depuis plusieurs jours. Ancien ministre des Finances (2009-2015) puis vice-Premier ministre chargé de l’Economie (jusqu’en 2018), M. Simsek, 56 ans, ancien économiste à la banque américaine Merrill Lynch, serait chargé de rétablir un peu d’orthodoxie afin de ramener la confiance des investisseurs.

Arménie et Azerbaïdjan

Outre une inflation à plus de 40%, encouragée par la baisse régulière des taux d’intérêt, la monnaie nationale était en chute libre à plus de 20,88 livres turques pour un dollar vendredi (22,5 pour un euro) malgré des milliards de dollars engloutis durant la campagne pour en retarder le naufrage.

Selon les médias turcs, plus d’une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement et quarante-cinq ministres étrangers devaient assister aux cérémonies qui s’achèveront par une réception au gigantesque palais présidentiel bâti par le chef de l’Etat sur une colline à l’écart du centre de la capitale. Parmi la foule des alliés traditionnels, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian prendra place au côté du président d’Azerbaïdjan Ilham Aliev et les Premiers ministres de Hongrie, Viktor Orban – qui renâcle également à ouvrir les portes de l’Otan à la Suède – et du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, qui furent parmi les premiers à le féliciter pour sa réélection.

L’Arménie et la Turquie n’ont jamais officiellement établi de relations diplomatiques et leur frontière commune est fermée depuis les années 1990, mais un rapprochement a été amorcé depuis le début 2022, en dépit du soutien affiché d’Ankara à Bakou sur la question du Nargorny-Karabakh qui oppose Erevan à l’Azerbaïdjan.

M. Erdogan, contraint pour la première fois à un deuxième tour, a obtenu 52,18% des votes contre 47,82% à son opposant, le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu, selon les résultats officiels publiés jeudi, au terme d’une campagne amère qui laisse le pays polarisé entre les deux camps.

Le Parlement, élu le 14 mai en même temps que se tenait le premier tour de la présidentielle, a pris pour sa part ses quartiers vendredi à Ankara : le parti AKP du président et ses alliés y détiennent la majorité des 600 sièges.

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