Gérald Papy

« Trump rempart contre la guerre »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Dans la panoplie des nouveaux instruments de la diplomatie, la cyberattaque a l’indéniable avantage d’éviter des pertes humaines directes et de permettre des ripostes davantage proportionnées.

Les Etats-Unis y ont eu recours le 20 juin contre les systèmes informatiques d’une unité du renseignement iranien (en représailles au sabotage de pétroliers dont elle est suspectée) et ceux contrôlant des lanceurs de missiles (en réponse à la destruction quelques heures plus tôt, par Téhéran, d’un drone américain). Cette dernière riposte a été préférée à une attaque de radars et de batteries de missiles qui aurait pu coûter la vie à 150 personnes.

L’exercice inédit de transparence auquel la séquence militaire a donné lieu aux Etats-Unis révèle un Donald Trump dans la position d’un George W. Bush, enfumé par la CIA pour déclencher la guerre d’Irak en 2011, mais, ô surprise, moins manipulable et plus responsable, alors qu’il n’y a pas si longtemps, seul un entourage raisonnable semblait, en dernier recours, pouvoir prémunir le locataire de la Maison-Blanche de commettre une grosse connerie.

Le président-businessman n’ignore pas l’impact qu’aurait un conflit au Moyen-Orient sur la croissance mondiale et surtout sur l’économie américaine, même si la dépendance des Etats-Unis à la manne pétrolière n’est plus celle des époques des guerres du Golfe (1991) et d’Irak (2003). Elu sur la promesse du retour au pays d’un maximum de soldats, Donald Trump n’est pas un va-t-en-guerre. En témoignent les frappes aériennes opérées en avril 2017 et avril 2018 en Syrie en réponse à des attaques à l’arme chimique attribuées au régime de Bachar al-Assad : elles furent sans lendemain, sans grande cohérence et sans suivi diplomatique.

Ce postulat pacifique est fondateur de la  » diplomatie de la pression maximale  » du président des Etats-Unis. Elle consiste à multiplier les sanctions et les pressions pour forcer l’adversaire à rejoindre la table de négociations en position de faiblesse pour s’assurer de conclure in fine le meilleur deal possible. La stratégie est aléatoire parce qu’elle dépend de la perméabilité du rival aux mesures de rétorsion, potentiellement opérantes mais à long terme sur la République iranienne dépendante des exportations de pétrole, quasi inefficaces sur la Corée du Nord autarcique et protégée par son allié chinois.

Les incidents récurrents de ces dernières semaines dans le Golfe et les vagues successives de sanctions qu’ils entraînent de la part de Washington constituent-ils le dernier préalable de pression maximale avant une phase de négociation ? S’il est évident que Donald Trump se délecte de dénoncer les accords passés, percevoir ce qu’il avance comme alternative l’est moins. Sur l’Iran en particulier, il est difficile de voir en quoi une renégociation aux résultats très hypothétiques ou la relance promise à partir du 7 juillet de l’enrichissement d’uranium par l’Iran pour définitivement enterrer l’accord de 2015 seraient préférables pour la stabilité mondiale au confinement au nucléaire civil de l’industrie iranienne que celui-ci prévoyait. Tout le monde se rassure en arguant que personne n’a intérêt à déclencher une guerre. En est-on si sûr ? Entre le conseiller à la sécurité nationale John Bolton et le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo bien décidés à renverser le régime de Téhéran, d’un côté, et le Guide suprême de la révolution islamique Ali Khameneï et les Gardiens de la révolution susceptibles, de l’autre, de privilégier la fuite en avant pour restaurer l’unité de la nation, le dossier iranien implique suffisamment de boutefeux pour s’inquiéter de son issue. Quel que soit, suprême paradoxe, le pragmatisme éprouvé de Donald Trump.

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