Boris Johnson.
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« Tirer vers le haut »: quand la politique phare de Boris Johnson déraille

Le Vif

Toutes les 10 à 20 minutes, un train arrive à la gare de Bradford. Le conducteur en sort, marche jusqu’en queue de train puis reprend le trajet.

Une routine fastidieuse mais nécessaire car on ne peut pas traverser en train Bradford, même si la ville du West Yorkshire — la sixième plus grande d’Angleterre — n’est pas en bout de ligne.

Depuis des décennies, les élus locaux réclament une solution et lorsque le Premier ministre Boris Johnson a remporté une victoire écrasante aux élections de 2019 en promettant de « tirer vers le haut » des villes comme Bradford, cela leur a donné de l’espoir. Ce programme, au coeur des succès électoraux du dirigeant dans les classes populaires, visait justement par ce genre de mesures à améliorer le quotidien de régions qui se sentent délaissées.

Mais quand deux ans plus tard, son gouvernement a finalement annoncé un plan de modernisation ferroviaire, ce fut la déception : le projet de gare était passé à la trappe.

Cette décision a provoqué la colère dans cette ville de 535.000 habitants, s’ajoutant aux déceptions suscités par un Premier ministre longtemps apprécié des classes populaires et désormais affaibli par les scandales. 

« J’ai été vraiment déçue et dégoûtée », a témoigné Mandy Ridyard, directrice financière de Produmax, une société d’ingénierie aérospatiale basée à Bradford, soucieuse que la ville soit mieux connectée pour attirer une main-d’œuvre innovante. 

« Nous essayons de rattraper notre retard. Donc ne pas investir (…) c’est vraiment de la folie parce qu’il y a de telles opportunités », a-t-elle déclaré à l’AFP.

Promesse électorale  

Si au niveau international, Boris Johnson est surtout connu pour le Brexit, au niveau national, il a placé la lutte contre les disparités régionales au cœur de son programme politique. 

En 2019, cette promesse a aidé le conservateur à arracher des dizaines de circonscriptions au parti travailliste dans des régions défavorisées du centre et du nord de l’Angleterre. 

Mais depuis son élection, il y a eu peu de progrès tangibles, voire même une dégradation de la situation, accusent ses opposants.

Et malgré des démonstrations occasionnelles d’unité nationale telles que les récentes célébrations du jubilé de platine d’Elizabeth II, le Royaume-Uni est plus divisé que jamais, entre les désirs d’indépendance de l’Ecosse et la poussée des partis républicains favorables à la réunification en Irlande du Nord. 

« Tirer vers le haut », analyse Mike Cartwright, de la chambre de commerce du West Yorkshire « C’était un slogan merveilleux (…) et ils s’en sont tirés pendant longtemps, sans expliquer ce que cela signifie et comment on met ça en oeuvre ».  

« Oubliés »

Avec ce programme, Bradford et des villes des environs ont reçu des financements supplémentaires, et la région a été désignée « zone d’investissement dans l’éducation ». 

La région du West Yorkshire devrait aussi bénéficier de nouvelles compétences décentralisées. 

Mais alors qu’à Londres, une nouvelle ligne a récemment ouvert après avoir coûté environ 19 milliards de livres (22,5 milliards d’euros), la colère des habitants de Bradford contre le projet de gare avorté ne retombe pas. 

D’autant que cette décision va à l’encontre d’une étude réalisée par le cabinet de conseil « People, Places, Policy and Data Unit » qui a révélé que parmi les 20 plus grandes villes britanniques, Bradford souffrait des pires connexions. 

« C’était un peu comme si nous avions de nouveau été oubliés », a déclaré Josie Barlow, responsable d’une banque alimentaire qui a bénéficié d’une subvention pour aider à acheter un bâtiment. 

Elle a ajouté qu’ils étaient « vraiment reconnaissants » pour cette manne de 225.000 livres mais a souligné l’importance d’investir dans les infrastructures. 

Autrefois capitale de la laine, Bradford est maintenant classé cinquième zone la plus défavorisée et sixième en terme de taux de chômage à l’échelle nationale, selon l’indice de pauvreté du gouvernement en 2019. 

« Des investissements, des grandes entreprises où beaucoup de gens sont employés, c’est ce dont nous avons besoin » défend Josie Barlow. 

À Redcar, à une centaine de kilomètres au nord-est de Bradford, le programme dédié du gouvernement pour « tirer vers le haut » certaines régions a aidé à rénover un ensemble de logements dégradé et en proie à la criminalité. 

Ce n’est « qu’un exemple de là où cela a fait une différence », assure à l’AFP Clare Harrigan, directrice du développement de Beyond Housing, qui loue de nombreux logement à loyers modérés.

« Nous vivions dans la misère jusqu’à ce que tout cela commence » raconte Sandra Cottrell, une habitante de 64 ans. 

Pour autant, elle est sceptique quant aux ambitions de Boris Johnson, qui suscite beaucoup de défiance. « Je ne crois pas ce qu’il raconte ».

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