Vue sur le dôme du Rocher, à Jérusalem. © DAN PEREZ

Statut de Jérusalem: crainte d’une escalade après l’appel à une « nouvelle intifada »

Le Vif

Une escalade de la violence était redoutée dans les territoires palestiniens vendredi, jour de prière hebdomadaire des musulmans, après l’appel du mouvement islamiste Hamas à « une nouvelle intifada », en réponse à la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël.

Les regards se tourneront surtout vers l’esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est, lieu saint autour duquel des troubles éclatent souvent dans les périodes de tensions, après des heurts relativement limités entre Palestiniens et soldats israéliens qui ont déjà fait une vingtaine de blessés dans la bande de Gaza et en Cisjordanie occupée où des renforts de l’armée israélienne sont prévus. Des manifestations sont également prévues ailleurs dans le monde musulman, notamment à Istanbul et en Malaisie, au lendemain de celles qui ont eu lieu du Pakistan à la Turquie en passant par la Tunisie et la Jordanie où plusieurs centaines de manifestants ont scandé « Mort à Israël » et brûlé des portraits de Donald Trump.

Des Palestiniens, qui ont appelé mercredi à « trois jours de rage », ont aussi brûlé jeudi le portrait du président américain pour protester contre la décision unilatérale et potentiellement explosive du président américain mercredi de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël et d’y transférer à terme l’ambassade des Etats-Unis. Plus d’une vingtaine de Palestiniens ont été blessés par des balles en caoutchouc ou réelles lors de heurts avec l’armée israélienne. Une grève générale a été largement suivie jeudi en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville annexée par Israël et considérée par la communauté internationale comme occupée.

« Nouvelle intifada »

Le mouvement islamiste Hamas qui contrôle la bande de Gaza a appelé à une « nouvelle intifada » et, en soirée, au moins deux roquettes ont apparemment été tirées à partir de Gaza vers Israël, explosant toutefois dans l’enclave, selon l’armée israélienne.

L’initiative de Donald Trump, qui a suscité la réprobation dans le monde entier, sera vendredi au coeur d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU. La cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, s’est alarmée d’un retour « à des temps encore plus sombres » alors que la Russie s’est dite « très inquiète ». La chancelière allemande Angela Merkel a « désapprouvé » la décision américaine, qui plonge la région « dans un cercle de feu » selon le président turc Recep Tayyip Erdogan qui s’emploie à mobiliser le monde musulman. Le grand allié saoudien des Etats-Unis a parlé d’acte « irresponsable » tandis que le président palestinien Mahmoud Abbas et le roi Abdallah de Jordanie, lors d’une rencontre à Amman, ont affirmé que toute mesure modifiant le statu quo sur Jérusalem était « invalide ».

Chacun se demande si M. Trump n’a pas ouvert la boîte de Pandore tant Jérusalem, avec ses lieux saints pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, constitue un sujet passionnel. Malgré les mises en garde venues de toutes parts, le président américain a ordonné mercredi soir le futur transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, rompant avec presque 70 ans de diplomatie américaine et se singularisant de la communauté internationale. « L’Amérique est devenue un tout petit pays », a réagi Salah Zuhikeh, 55 ans, dans la Vieille ville de Jérusalem, où magasins et écoles sont restés fermés. Les Palestiniens revendiquent Jérusalem-Est comme la capitale de l’Etat auquel ils aspirent. Israël proclame tout Jérusalem comme sa capitale « éternelle et indivisible ».

Accord « ultime »

Depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948, la communauté internationale s’est gardée de reconnaître Jérusalem comme capitale. Elle considère que la question du « statut final » de Jérusalem, l’une des plus épineuses du conflit israélo-palestinien, doit être négociée.

Le président palestinien Abbas a estimé que les Américains étaient à présent discrédités pour continuer à jouer un rôle de médiateur dans le processus de paix. Un cadre du parti palestinien Fatah a affirmé jeudi que le vice-président américain Mike Pence n’était « pas le bienvenu en Palestine », après la décision du président Trump.

Une visite de M. Pence en Israël et dans les territoires palestiniens est prévue durant la deuxième moitié de décembre. Le président palestinien et chef du Fatah, Mahmoud Abbas, n’a pas mentionné la visite de M. Pence dans sa réaction mercredi à la déclaration de M. Trump. Son bureau n’était pas joignable jeudi soir pour réagir aux déclarations de Jibril Rajoub. La Maison Blanche a de son côté estimé jeudi qu’une éventuelle annulation de la rencontre entre Mike Pence et M. Abbas serait « contre-productive.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’est lui réjoui du fait que « le président Trump (soit) entré à jamais dans l’histoire de notre capitale ». Israéliens et Palestiniens n’ont plus de négociation substantielle depuis 2014 mais M. Trump a proclamé sa volonté de présider à l’accord diplomatique « ultime ». Ses émissaires, dont son gendre Jared Kushner, s’efforcent depuis des mois de ranimer cette entreprise de paix moribonde, sans faire part de leurs intentions. « Mais comment puis-je m’asseoir en face de ces gens s’ils m’imposent l’avenir de Jérusalem comme capitale d’Israël? », s’est demandé le négociateur en chef palestinien, Saëb Erakat. Et la vague de protestation risque de se poursuivre: Hassan Nasrallah, leader du mouvement chiite libanais Hezbollah, ennemi juré d’Israël, a de son côté appelé à « une manifestation populaire massive » lundi à Beyrouth contre l' »agression américaine ».

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