© Reuters

Sondage dans le monde Arabe: 89 % contre l’EI

Rudi Rotthier
Rudi Rotthier Journaliste Knack.be

La grande majorité du monde arabe est contre l’Etat Islamique, même s’il y a quelques « irréductibles ». Les sondés trouvent que Assad est le plus grand problème de la Syrie. Le moral économique est lui en berne: presque un tiers des sondés a du mal à joindre les deux bouts et un quart souhaite émigrer.

C’est ce qui ressort du sondage annuel de l’Arab Opinion Index qui a interrogé 18.311 personnes dans 12 pays arabes. Dans les données de chaque pays, il existe une marge d’erreur de 2 à 3 %. Cet index est réalisé chaque année depuis 2011 par le Arab Center for Research & Policy Studies, installé à Doha au Qatar. Il est, selon ses dirigeants, le plus large sondage du monde arabe. Il faut noter que, de façon un peu incongrue, le Qatar n’a, lui, pas été sondé. Dans ce sondage, on a effectué une distinction par pays, mais pas par religion. Le sondage aborde de nombreuses questions dont l’épineuse « quelle est la popularité de l’EI dans le monde arabe ? ». Une question intéressante lorsqu’on sait que certains journalistes disent que celui-ci bénéficie d’un important soutien, alors que d’autres disent que ce dernier est marginal.

Deux catégories

Ce sondage prétend donc répondre à cette question puisqu’il démontre que le soutien à l’EI dans le monde Arabe n’est guère important. Si l’on fait une moyenne, on arrive à 89% des sondés qui sont contre l’EI. Ce pourcentage est réparti en 80% qui sont vraiment très contre et 9% qui sont juste contre. Le groupe restant se compose de 4% pour les sans opinion, 4 % pour et 3% totalement pour. Dans des pays comme le Liban, la Jordanie et la Tunisie, ceux qui sont pour l’Etat islamique sont quasiment inexistants (90% sont contre et à peine 1% est totalement pour). Alors que la population du Maroc, de l’Algérie, de l’Égypte et des territoires palestiniens sont davantage pour l’EI. Dans ces régions, 8 à 9% des sondés sont pour ou totalement pour et le groupe sans opinion est aussi plus important. Dans le graphique ci-dessous, on peut voir le pourcentage par pays qui est pour l’EI.

En rouge, les vraiment contre; en rose, les contre; en vert, les sans opinion; en bleu clair, les pour et en bleu, les vraiment pour.
En rouge, les vraiment contre; en rose, les contre; en vert, les sans opinion; en bleu clair, les pour et en bleu, les vraiment pour. © Arab Opinion Index

De façon surprenante, on constate que les sondés en Arabie Saoudite ne soutiennent que peu l’EI. Plus de 1000 Saoudiens se battent dans les rangs de l’EI selon les Américains. Ce qui en fait un gros « fournisseur » de combattants djihadistes. Un enthousiasme qui ne semble pas partagé par une grande majorité de la population puisque seul 1% est tout à fait pour et 1 autre % est juste pour.

La Turquie, qui n’est pas un pays arabe, n’est pas reprise dans ce sondage. Mais dans une enquête effectuée par le PEW en novembre, il ressort que la Turquie se situe au niveau du deuxième groupe avec en moyenne 8% de la population qui soutiendrait l’EI. Le soutien du monde Arabe et de la Turquie est donc somme toute très limité, mais même si le pourcentage est faible, cela représente tout de même des millions de personnes.

Assad est un plus grand problème

L’autre information qui ressort du sondage est que, dans les pays où l’EI ne bénéficie d’aucun soutien ou presque, parmi la population, on pense que l’EI est une création étrangère. Dans les pays où l’organisation est plus appréciée, la majorité des sondés pensent que c’est une création autochtone.

Toujours selon l’enquête, la religion n’est pas déterminante pour apporter son soutien à l’EI. Environ un tiers de ceux qui soutiennent l’EI se servent de la religion ou des « principes islamistes » pour justifier leur choix. Alors que la majorité renvoie plutôt aux succès militaires ou politiques de l’organisation. Les autres raisons sont : l’EI défend les sunnites (9%), s’oppose à l’Occident (13%) ou à l’Iran (6%).

Une majorité des Saoudiens peuvent bien être contre l’EI, ils ne le voient pourtant pas comme un problème essentiel pour la Syrie. 62% de ces derniers pensent que le régime d’Assad doit disparaître. Et pour y arriver, 12% détruiraient toute l’opposition et seuls 9% pensent que l’EI doit être vaincu pour que l’on puisse trouver une solution pour la Syrie.

La pauvreté

Il y a encore d’autres données intéressantes dans ce sondage. Par exemple: 29 % des sondés n’arrivent pas à joindre les deux bouts seuls et sont obligés de compter sur leur famille, la charité ou les autorités pour survivre. 23% de la population rêve de partir à l’étranger.

87 % de sondés se décrivent comme croyants et, pour un peu plus de 60% de ces personnes, être croyant signifie : « être honnête et charitable ». Pour le groupe restant, 39%, être croyant signifie « suivre des pratiques religieuses ».

La démocratie est le système politique le plus populaire, bien plus que la sharia. Une petite minorité est pour la séparation entre l’Eglise et l’Etat. Et 71% trouvent qu’il n’y a pas d’opposition entre l’islam et la démocratie, même si une majorité de la population doute que le pays soit prêt pour cette même démocratie.

Le printemps arabe et Israël

Le printemps arabe, qui est tout de même un mouvement démocratique, est vu comme un évènement négatif. 57 % des sondés pensent que c’est plus négatif (sanglant, chaotique, insécurité) que positif. Dans une enquête effectuée à la fin de 2012, seuls 22% des sondés estimaient que c’était négatif.

85%, et ce chiffre est resté très stable à travers les années, sont contre le gouvernement d’Israël. 75 % pensent que la question palestinienne concerne tous les Arabes et pas seulement les Palestiniens.

Les politiques étrangères des États-Unis, de l’Iran et de la Russie sont rejetées par la majorité des sondés, alors que la France et la Turquie bénéficient de plus de clémence.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire