Des membres de la Croix rouge viennent en aide à une Kenyane, effondrée après avoir appris la mort d'un proche lors d'un massacre par les islamistes de Shebab dans une université. © BELGAIMAGE/Tony Karumba

Shebab menace le Kenya d’une « longue, épouvantable guerre »

Les autorités kényanes ont annoncé samedi interroger cinq suspects, présumés liés à l’attaque de l’Université de Garissa par les islamistes somaliens shebab qui, 48 heures à peine après le massacre, ont promis au Kenya une « longue et épouvantable guerre ».

Les islamistes somaliens ont menacé samedi le Kenya d’une « longue, épouvantable guerre » et d’un « nouveau bain de sang », deux jours après avoir massacré 148 personnes, essentiellement des étudiants, à l’université de Garissa, dans l’est kényan.

« Si Dieu le permet, rien ne nous arrêtera dans notre vengeance des morts de nos frères musulmans jusqu’à ce que votre gouvernement cesse son oppression et jusqu’à ce que toutes les terres musulmanes soient libérées de l’occupation kényane », ont-il lancé dans un communiqué publié en anglais.

« Jusqu’à cette date, le sang va couler à flots rouges dans les villes du Kenya, cela va être une longue, épouvantable guerre dont vous, la population kényane, êtes les premières victimes ».

L’attaque de l’université de Garissa est la plus meurtrière sur le sol kényan depuis celle perpétrée par Al-Qaïda contre l’ambassade américaine à Nairobi en 1998 (213 morts). Dans le communiqué, dont l’authenticité a été confirmé par un porte-parole shebab, les islamistes, affiliés à Al-Qaïda, expliquent avoir séparés les musulmans des chrétiens pour tuer les seconds après les avoir rassemblés.

« Les moudjahidines ont pénétré dans le complexe universitaire et ont rapidement gagné les halls de la résidence où ils avaient regroupé tous les occupants », poursuivent les shebab. « Et puisque l’attaque visait seulement les non-musulmans, tous les musulmans ont été autorisés à évacuer les lieux sains et saufs avant que les infidèles ne soient exécutés ».

Les islamistes reviennent aussi sur ce qu’ils qualifient « d’atrocités sans nom » perpétrées par les autorités kényanes contre les musulmans: dans le sud de la Somalie depuis le début de l’intervention militaire contre les shebab fin 2011, mais aussi, depuis des décennies, dans les régions frontalières de la Somalie, largement peuplées de Kényans d’ethnie somalie ou de Somaliens.

Cinq suspects arrêtés

Depuis jeudi, « cinq personnes ont été arrêtées », a déclaré à l’AFP le porte-parole du ministère de l’Intérieur Mwenda Njoka, « nous les soupçonnons d’être des complices des assaillants (…) nous tentons d’établir des liens ». Parmi eux, « deux ont été arrêtés à l’intérieur du complexe de l’université », a-t-il ajouté.

« L’un est un Tanzanien, nommé Rashid Charles Mberesero, il était caché dans le plafond de l’université en possession de grenades. Le second est un vigile (soupçonné d’avoir) aidé les assaillants à entrer (…) son nom est Osman Ali Dagane, c’est un Kényan d’ethnie somali », a détaillé M. Njoka. Jeudi, le ministre de l’Intérieur, Joseph Nkaissery, avait annoncé l’arrestation d’un « présumé assaillant », durant les près de 16 heures de siège à l’université où 148 personnes ont été tuées.

M. Njoka a confirmé qu’il faisait partie des cinq suspects interrogés, sans autre détail. Les trois autres suspects ont été arrêtés alors qu’ils tentaient de fuir vers la Somalie.

Les corps de « quatre terroristes », tués dans l’assaut des forces de sécurité, ont été retrouvés dans l’université selon les autorités kényanes. « Les examens médico-légaux et les investigations sont en cours », a poursuivi le porte-parole du ministre.

Des véhicules portant des plaques diplomatiques américaines ont été vus entrant sur le campus, laissant penser que le FBI pourrait participer à l’enquête comme ce fut le cas précédemment, notamment après le spectaculaire assaut contre le centre commercial Westgate par un commando shebab qui fit au moins 67 morts en septembre 2013.

Jeudi, les autorités kényanes ont lancé un avis de recherche, assorti d’une récompense d’environ 200.000 euros, contre celui qu’elle décrit comme le cerveau de l’attaque, Mohamed Mohamud, alias « Kuno ».

Cet ancien professeur kényan d’une école coranique de Garissa a d’abord rejoint le mouvement des Tribunaux islamiques, maître de Mogadiscio en 2006, avant de passer par une milice islamiste aujourd’hui alliée des troupes kényanes dans le sud somalien, puis de rejoindre les shebab.

Trois jours de deuil, le président promet une réponse sévère

Le président kényan Uhuru Kenyatta a décrété samedi trois jours de deuil national à compter de dimanche, après l’attaque de l’université de Garissa qui a fait jeudi 148 morts, et promis de répondre « le plus sévèrement possible » à cet attentat perpétré par les islamistes somaliens shebab.

« Je décrète trois jours de deuil, durant lesquels nos drapeaux seront mis en berne », a déclaré M. Kenyatta depuis la présidence, dans sa première allocution depuis la fin, jeudi soir, de près de 16 heures de siège à l’université.

Le chef de l’Etat kényan a assuré que « le gouvernement ferait tout son possible pour soutenir les victimes et leurs familles » et que tous les responsables et complices de cette attaque seraient « traduits en justice ».

« Mon gouvernement répondra le plus sévèrement possible à l’attaque et à toute autre attaque qui nous visera », a-t-il ajouté. « Malgré l’adversité, nous n’avons jamais plié – et nous ne plierons jamais – et nous continuerons de construire une nation prospère et sûre ».

Shebab menace le Kenya d'une
© REUTERS

« Contrer le terrorisme est devenu particulièrement difficile, car ceux qui le planifient et le financent sont profondément implantés dans nos communautés et étaient considérés comme des gens ordinaires et inoffensifs », a cependant averti le chef d’Etat.

« La radicalisation qui engendre le terrorisme se déroule au grand jour, dans les écoles coraniques, les maisons et les mosquées avec des imams sans scrupules », a-t-il encore mis en garde.

Le président s’était brièvement exprimé jeudi dans la journée, quelques heures après le début de l’attaque à l’aube, mais était depuis resté totalement silencieux. C’est son ministre de l’Intérieur, Joseph Nkaissery, qui avait annoncé la fin du siège.

L’attaque contre l’université de Garissa est la plus meurtrière sur le sol kényan depuis l’attentat contre l’ambassade des Etats-Unis à Nairobi (213 morts) en 1998. Mais une survivante a été découverte samedi, cachée dans une penderie dans l’université kényane de Garissa, selon la Croix-Rouge.

Samedi, M. Kenyatta a également appelé « tous les Kényans, toutes les Eglises et tous les dirigeants locaux à parler haut et fort en faveur de l’unité (du pays) et faire en sorte que notre colère, justifiée (…) ne débouche sur la stigmatisation de personne ».

« Cela ne ferait que jouer le jeu des terroristes », a-t-il ajouté. « Restons unis pour sauvegarder notre paix et notre stabilité ».

Près de la frontière somalienne, sur la côte kényane ou même à Nairobi, le Kenya a été visé ces dernières années par de nombreuses attaques attribuées aux shebab ou ouvertement revendiquées par eux.

A chaque fois, la réaction des forces de l’ordre kényanes a été dénoncée par des groupes de défense des droits de l’Homme, déplorant une stigmatisation et un harcèlement systématiques de la communauté somali ou somalienne du pays.

Contenu partenaire