© M. ROSSI/REUTERS

Rubygate : Silvio et elles

Elles l’accusent ou l’adulent. Le jugent aussi, dans le procès du « Rubygate » qui va s’ouvrir. Les Italiennes sont omniprésentes dans la carrière de Berlusconi. Pour le meilleur et pour le pire.

Il vaut mieux aimer les femmes qu’être gay », avait dit Silvio Berlusconi en guise de défense, lorsqu’a éclaté le scandale Ruby – du nom de cette jeune femme avec laquelle il a été compromis. Il va être servi.

Poursuivi pour relations sexuelles tarifées avec une mineure et abus de fonction, le président du Conseil, Silvio Berlusconi, devrait comparaître le 31 mai, devant un collège composé deà trois juges femmes. Même sa comparution a été décidée par une femme juge ! Et, parmi les magistrats qui ont mené l’enquête, on retrouve Ilda Boccassini. Une femme, encore, que Silvio Berlusconi considère, depuis des années, comme sa pire ennemie. Bref, toute l’accusation du procès Ruby est entre les mains du sexe dit faible. « C’est Némésis ! » a commenté l’hebdomadaire catholique Famiglia Cristiana : « Celui qui s’est mal comporté avec les femmes sera jugé par des femmes. »

« Il y avait aussi des femmes de droite dans la rue »

La cinéaste Francesca Comencini, l’une des organisatrices de la grande manifestation des femmes du 13 février, avance une autre explication : « Les femmes sont très nombreuses, dans la magistrature comme ailleurs. Mais dans l’Italie d’aujourd’hui, elles ne peuvent plus aspirer qu’à être des veline, des showgirls de la télé. C’est contre cela que les Italiennes ont manifesté. D’ailleurs, il y avait aussi des femmes de droite dans la rue. » Des élues, par exemple comme ces deux députées du FLI (Futur et Liberté), l’avocate Giulia Bongiorno et l’ex-directrice du quotidien de droite Il Secolo d’Italia Flavia Perina. Cette dernière avait été punie pour avoir laissé le journal tancer, à la veille des élections de 2009, les candidatures de veline au Parlement européen. « C’était un peu avant que l’ex-épouse de Berlusconi, Veronica, n’envoie une lettre à La Repubblica où elle dénonçait, elle aussi, cette sélection aberrante, se souvient Flavia Perina. A l’en croire, si beaucoup de femmes à droite défendent encore Berlusconi, c’est parce que la droite berlusconienne (le Peuple de la Liberté, PDL) souffre de  »centralisme charismatique ». En cas de désaccord, mieux vaut se taire. » Ce n’est pas le cas de la députée journaliste qui ne cache pas sa colère : « Dans quel autre pays européen un chef de gouvernement parle-t-il de ses ministres femmes en disant  » le mie bambine » (mes petites) ? Quel homme politique oserait, au cours d’un meeting électoral, conseiller à une jeune fille au chômage, d »’épouser un homme riche  » ? Quel choc, lorsque nous avons découvert que la classe dirigeante était recrutée lors de fêtes ! »

« Il est celui qui désacralise les institutions »

A gauche, c’est aussi une femme qui sonne la charge. « Berlusconi n’a aucun sens des limites, accuse Rosy Bindi, présidente du PD (Parti démocrate), principale force d’opposition. Il est, certes, le fils de l’Italie d’aujourd’hui mais il a aussi remodelé le pays à son image. Si, un jour, il réalise son rêve de devenir président de la République, ce sera très grave. Le président est le garant de la Constitution et de la sacralité des institutions, or Berlusconi est celui qui les désacralise ! » Rosy Bindi n’a aucun doute : « Les militantes politiques du PDL souffrent en ce moment. Elles défendent Berlusconi mais cela leur pose des problèmes. »

Avocate de 35 ans, Nunzia De Girolamo, une des plus jeunes députées du PDL, n’a pas de passé embarrassant de showgirl, elle est intelligente, sympathique, jolieà sans silicone. Sa défense enthousiaste de Silvio Berlusconi est désarmante : « Il est tout à fait différent dans la vie de l’image véhiculée par les médias ! J’ai choisi Forza Italia (devenu PDL) parce que c’était un parti libéral. Je ne connais pas la vie privée de Silvio Berlusconi, c’est son affaire. Ce nouveau procès est médiatique, il ne se passe pas au tribunal mais dans les journaux. » Ses critiques, elle les réserve à l’ex-épouse de Berlusconi : « Veronica n’aurait jamais dû écrire à un journal, elle devait savoir qui elle avait épousé. Tout le monde sait que Berlusconi est exubérant. Il est aussi parfois un peu léger, mais on lui pardonne, il a tellement de qualités : disponible, généreux, humain. Un peu ingénu, peut-être, et il y a des gens qui en abusent. Cela arrive quand on est riche. Quant à ses faiblesses, très humaines, elles sont partagées par tant d’hommes politiques hypocrites qui se cachent. »

Nunzia De Girolamo, comme Mariastella Gelmini et tant d’autres berlusconiennes inconditionnelles, n’est pas inquiète pour celui qu’elles admirent tant : « Ruby elle-même affirme n’avoir jamais eu de rapports sexuels avec lui. Alors, pourquoi devrait-il être condamné ? Silvio, c’est une force de la nature. Vous verrez, il ne s’en ira que quand il le décidera. »

VANJA LUKSIC

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