Vera Jourova © Belga

Propos haineux : »L’Europe inculque de la discipline aux géants d’internet comme Facebook »

Le Vif

L’Allemagne inflige des amendes monstrueuses aux entreprises internet comme Facebook qui publient des « propos haineux ». Pour la commissaire européenne aux Consommateurs Vera Jourova, il ne faut pas aller jusque-là.

La lutte contre les discours haineux sur les réseaux sociaux est une de vos tâches principales. Pourquoi avez-vous supprimé votre page Facebook ?

Vera Jourova: Parce que je recevais des messages de haine tous les jours. En tant que commissaire de l’UE, je défends des groupes dont certains estiment qu’ils n’ont pas de droits, tels que les juifs, les musulmans, les homosexuels et les Roms. En tant que politique, je dois pouvoir supporter qu’on m’attaque personnellement, mais je ne dois pas offrir de forum sur Facebook aux haïsseurs.

En Allemagne, les réseaux sociaux sont maintenant obligés de supprimer les discours haineux. S’ils ne le font pas, ils risquent une amende monstrueuse. Les autres pays européens doivent-ils reprendre ce modèle ?

Non, et c’est là l’avis de la plupart des ministres européens de la Justice, même si je comprends les Allemands. En Allemagne, la haine en ligne a explosé et la population s’attend à ce que la politique agisse.

La Commission européenne mise sur l’autorégulation. En 2016, vous avez rédigé un « code de bonne conduite » avec Facebook, Twitter, Microsoft et YouTube. Pourquoi ménagez-vous ces entreprises américaines ?

Nous ne les ménageons pas, au contraire, j’ai inculqué de la discipline aux géants de l’internet. Si vous voulez établir une loi au niveau européen, cela vous prend quelques années, mais je voulais rapidement changer les choses. Il est important que les entreprises fassent ce qu’elles doivent faire. Elles suppriment 70% de tous les messages répréhensibles. L’Allemagne opte les sanctions, nous optons pour le sens des responsabilités.

Et cela suffit ?

Pas toujours, mais souvent. Il ne faut pas supprimer tous les messages problématiques. Parfois, il n’est pas clair si une opinion est illégale ou si elle tombe sous le coup de la liberté d’expression. Dans ces cas-là, les sociétés internet doivent pouvoir garder cette opinion. En Allemagne, toute opinion répréhensible est supprimée parce que les entreprises internet craignent les amendes. Peut-être que la législation allemande fonctionne trop bien.

Les constructeurs de voitures ont trompé leurs clients avec leurs logiciels truqués. Pour l’instant, les consommateurs ne peuvent entamer d’actions collectives contre les constructeurs, mais vous souhaitez changer cela. Cela ne jure-t-il pas avec l’autorégulation des entreprises internet ?

En Europe, nous étions très fiers parce que nous pensions bien protéger les consommateurs. Après le Dieselgate, les logiciels truqués ont été adaptés dans les voitures européennes, mais en plus les consommateurs américains ont perçu des millions d’euros de dommages et intérêts. C’était un avertissement. En avril, nous comptons lancer des propositions qui permettent les actions collectives. Il faut non seulement traiter honnêtement les consommateurs trompés, il faut également leur accorder des dommages et intérêts.

Le lobby voitures fera tout pour empêcher les actions collectives.

Il sera intéressant de voir comment les états membres gèrent la pression des lobbys et les droits du consommateur. Nous devons cependant nous méfier de situations américaines où des spéculateurs paient des procès pour profiter des dommages et intérêts. Il faut imposer des règles strictes.

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