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Productivité : comment les Danois réussissent-ils à éviter les heures supplémentaires ?

Le Vif

Au Danemark, tout le monde – de l’ouvrier au CEO – travaille de 9 heures à 17 heures (ou moins). Quel effet cette habitude exerce-t-elle sur la productivité ?

Helen Russen, une Britannique qui a déménagé au Danemark pour le job de son mari – chez Lego, difficile de faire plus danois – était très étonnée en le voyant rentrer vers 16 heures, au moment où elle, journaliste free-lance, venait de commencer. « Je me suis immédiatement inquiétée. Avait-il des problèmes au boulot ? Nous venions de Londres, où les longues journées sont la règle. Rester jusqu’à 20h à son bureau est considéré comme une affaire d’honneur, alors que les Danois trouvent ça hautement inefficace. Ici, tout le monde rentre vers 16 heures pour être avec les enfants ou se rendre au club de loisirs, encore une habitude typiquement danoise. Le soir, ils consultent parfois leurs e-mails, mais de façon beaucoup moins obsessive que les Londoniens. Si officiellement, les Danois travaillent 37 heures par semaine, les chiffres récents de l’OCDE indiquent, qu’ils n’en font que 33. Et pourtant le Danemark figure parmi les pays les plus productifs d’Europe. »

Leur secret? « L’efficacité », pense Russel. « D’abord, je croyais qu’ils étaient paresseux, mais ils sont simplement concentrés. Ils ne consultent pas leur profil Facebook toutes les demi-heures. Et honnêtement : est-ce qu’on est encore efficace à sept heures du soir ? Quand on rentre tôt pour se détendre, on est reposé le lendemain et on peut faire beaucoup plus. En plus, les Danois ont une culture de discussion avec une hiérarchie assez horizontale : ils n’ont pas peur de dire ce qu’ils pensent à leur supérieur ». Tout cela cadre dans une autre mentalité, explique Russel, auteur du livre « The Year of Living Danishly ». « La confiance joue un rôle important : le Danemark a eu une sécurité sociale forte qui fait que les gens ne craignent pas de perdre leur boulot. Et comme il y a moins d’angoisse, ils sont plus heureux et donc plus productifs. »

Protestants

Mais il n’y a pas que cette confiance, estime le professeur en sociologie Ignace Glorieux (VUB). « Les racines protestantes du Danemark, mais aussi des Pays-Bas favorisent une éthique de travail stricte et très disciplinée, mais aussi une séparation nette entre le travail et les loisirs. Plus vous allez vers le sud, plus les pauses café et midi durent longtemps et donc aussi le temps de travail. En Belgique, nous sommes entre les deux, même si on évolue vers le modèle nordique. Celui-ci offre certainement des avantages. En séparant nettement le travail et la vie privée, les gens sont plus reposés et les risques de burn-out diminuent. À l’époque, c’était automatique : il n’y avait pas encore d’internet, donc on était automatiquement isolé du travail. Aujourd’hui, on peut travailler 24 heures sur 24 et vérifier ses e-mails, même si de plus en plus de gens souhaitent lever le pied. »

Glorieux estime toutefois que le style danois présente aussi des inconvénients. « Le travail devient instrumental : il faut rentabiliser chaque minute, tout est chronométré et évalué. Pourtant, un lunch qui dure longtemps ou une pause-café peut jouer un rôle important pour l’ambiance et la motivation. Aujourd’hui, les entreprises organisent une journée de teambuilding par an, alors qu’à l’époque on l’avait tous les jours. Je vois que les jeunes prestent moins d’heures que nous à l’époque, mais qu’ils sont épuisés parce que leurs journées sont plus intenses. »

Stefanie Van den Broeck

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