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Pourquoi Recep Tayyip Erdogan peut être battu à la présidentielle de dimanche

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Pour la première fois depuis vingt ans, le pouvoir du «raïs» est menacé. Une large coalition d’opposition pourrait faire plier Recep Tayyip Erdogan.

La Turquie va vivre le 14 mai les élections présidentielle et législatives les plus importantes depuis longtemps. Le président sortant Recep Tayyip Erdogan pourrait voir son «règne» de vingt ans à la tête du pays (onze comme Premier ministre, de 2003 à 2014, et neuf comme président) connaître un terme. Cette hypothèse est rendue possible par la coalition qu’ont forgée six partis d’opposition autour d’un programme et du nom de Kemal Kiliçdaroglu, le leader du plus puissant d’entre eux, le Parti républicain du peuple (CHP), comme candidat à la fonction suprême.

«Pomme de terre, oignon, au revoir Erdogan!», version du «tout sauf Erdogan» adaptée à l’inflation galopante que le gouvernement n’a pas pu réfréner (+ 50%), sert donc de slogan et de ciment – éphémère? – à l’Alliance de la nation que composent des formations politiques aux revendications parfois éloignées. Sont ainsi réunis dans ce mouvement «dégagiste» le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate, fondé par Mustafa Kemal Atatürk, le père de la nation), le Bon Parti (IYI, nationaliste), le Parti de la félicité (SP, islamiste), le Parti de la démocratie et du progrès (Deva, conservateur proeuropéen), le Parti démocrate (DP, de centre-droit) et le Parti de l’avenir (GP, fondé par l’ancien ministre des Affaires étrangères d’Erdogan, Ahmet Davutoglu). Ce partenariat inédit dans l’histoire politique kurde peut en outre se prévaloir du soutien extérieur du Parti démocratique des peuples (HDP), formation de la gauche prokurde qui a renoncé à présenter un candidat à la présidentielle et a appelé à voter pour Kemal Kiliçdaroglu. Lors du précédent scrutin présidentiel du 24 juin 2018, le candidat du HDP, Selahattin Demirtas, avait tout de même récolté 8,4% des voix.

Démonstration de force d’Erdogan, le 7 mai, à Istanbul: suffisante?
Démonstration de force d’Erdogan, le 7 mai, à Istanbul: suffisante? © getty images

A cette coalition forte aujourd’hui et probablement fragile demain, Recep Tayyip Erdogan oppose l’Alliance du peuple, le partenariat traditionnel entre son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) et le Parti d’action nationaliste (MHP, extrême droite), enrichi du soutien du petit Parti de la grande unité (BBP, islamiste et nationaliste).

Deux autres formations présentent des candidats à la présidentielle, le Parti de la nation avec Muharrem Ince, un ancien dirigeant du CHP, et l’Alliance ancestrale, avec Sinan Ogan, un nationaliste dissident du MHP. Ils sont voués à jouer les seconds rôles et les éventuels empêcheurs d’élection dès le premier tour. De Kemal Kiliçdaroglu ou de Recep Tayyip Erdogan? Depuis des semaines, le premier est donné vainqueur dans les sondages. Une tendance qui s’explique sans doute par l’usure du pouvoir, par l’incapacité à endiguer la récession économique, par la répression massive exercée après la tentative de coup d’Etat de 2016, attribuée au mouvement du prédicateur et ex- allié d’Erdogan, Fethullah Gülen, par la gestion erratique du séisme du 6 février, qui a fait plus de 45 000 morts, et par la profondeur de la corruption entre l’AKP et les milieux du bâtiment qu’elle a révélée…

Mais le sort n’en est pas jeté pour autant. La fin de la campagne électorale, marquée le 7 mai par un meeting qui a rassemblé des centaines de milliers de partisans du président sortant sur l’ancien aéroport Atatürk à Istanbul, a pu influer sur les intentions de vote. Et le doute subsiste sur le sens du vote des 5,3 millions de jeunes qui s’exprimeront pour la première fois dans les urnes le 14 mai. Un vote crucial pour leur avenir.

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millions de jeunes s’exprimeront pour la première fois dans les urnes le 14 mai.

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