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Pourquoi Emmanuel Macron était-il le premier au Liban ?

Antoine Denis Journaliste

Après la Première Guerre mondiale, le Liban devenait une propriété française et ce, jusqu’en 1946. Seulement, l’histoire entre les deux pays n’est pas un classique cas de colonialisme. Il y a une sorte de vibration émotionnelle.

À la fin de la Première Guerre mondiale, le Liban a été placé sous administration militaire française avant que la Société des Nations ne donne officiellement le mandat pour le Liban et la Syrie à la France en 1923.

À cette époque, la population était divisée entre les chrétiens, connus sous le nom de maronites, et les musulmans. Une grande partie de ces derniers ne voulait ni être dirigée par la France ni faire partie d’un Liban indépendant, mais plutôt faire partie d’un État syrien ou arabe plus grand.

Pour apaiser les tensions entre les communautés, la constitution de 1926 prévoyait que chaque section de la société devait être représentée équitablement dans les fonctions publiques. Ainsi, par convention, le président de la République était normalement un maronite, le Premier ministre un musulman sunnite, et le président de la chambre un musulman Shiite.

Toujours sous administration française, le pays a prospéré en tant que centre de commerce et la vie des gens ordinaires s’est considérablement améliorée. Finalement, l’indépendance est officiellement proclamée le 22 novembre 1943, mais ce n’est qu’avec le retrait total des troupes britanniques et françaises en 1946 que le Liban devient totalement indépendant.

Plus tard, pendant la guerre civile libanaise, la France a apporté une aide militaire au pays et a toujours voté en faveur des résolutions de l’ONU qui seraient bénéfiques pour le pays. Après la guerre civile, la France a continué à soutenir le Liban et à y effectuer des investissements directs.

La France et le Liban ont toujours eu une relation particulière, non seulement avec les maronites, mais aussi avec tout le peuple libanais. C’est, entre autres, ce qui a provoqué la séparation du Liban de la Syrie par la France. C’est également de cette relation que se trouve l’origine de l’existence du Liban comme État reconnu et que certains qualifient la France de « pays frère » du Liban.

Mais aujourd’hui, ramener la thèse de l’héritage colonial n’est pas suffisant pour comprendre les liens particuliers qui unissent les deux pays. Des liens forts ont été établis bien avant le mandat accordé à la France début du siècle dernier.

Des relations depuis des centaines d’années

En 1516, François Ier et l’empereur ottoman Soliman le Magnifique s’étaient déjà entendus pour protéger les chrétiens d’Orient. 300 ans plus tard, la France intervenait toujours au Liban pour protéger ces chrétiens contre les Druzes, des musulmans hétérodoxes établis dans le sud du Liban et dans la partie centrale du Mont-Liban, dans le sud de la Syrie, dans le nord de l’État d’Israël en Galilée, et sur le plateau du Golan.

Fin des années 1800, les jésuites (issus de l’université de Paris) créent l’université Saint-Joseph à Beyrouth qui permettra de former plusieurs générations d’élites libanaises. Petit à petit, certains vont s’expatrier. Parmi eux, le célèbre écrivain Amin Maalouf, des politologues, des architectes, des grands financiers.

Aujourd’hui, le Liban dispose toujours de six lycées français et de cinquante établissements scolaires homologués par Paris.

Un allié particulier

Depuis le départ de la France fin des années 40, le Liban n’a pas vraiment connu de beaux jours. Le pays a subi des guerres insoutenables pendant 15 ans, de 1975 à 1990.

Pendant celles-ci, la France n’a pas toujours forcément été l’allié des différents camps chrétiens. Dans ce nouveau monde post guerres mondiales, la politique arabe s’est fortement implantée. Le conflit israélo-palestinien fait rage et la France est en faveur de la paix entre ces deux nations.

Pendant les guerres civiles libanaises, le gouvernement français n’a pas pris parti pour le supposé camp conservateur chrétien contre un soi-disant camp palestino-progressiste composé des musulmans sunnites du Liban, mais a plutôt essayé d’apaiser les tensions.

Par contre, à partir de 1980, les liens entre la France et les pays sunnites attirent les foudres des gouvernements chiites (nombreux au Liban), notamment en Iran. La République islamique s’allie avec la Syrie qui entend contrôler son voisin libanais.

C’est comme cela que le Liban s’est vu attaqué, au nom de son amitié avec la France, par l’Iran et la Syrie. Durant les années 80, beaucoup d’attentats, d’assassinats et de prises d’otages ont eu lieu au Liban.

Une pétition réclamant un contrôle de la France sur le Liban

Ce vendredi 7 août 2020, une pétition visant à placer le Liban sous mandat français a déjà recueilli environ 60 000 signatures. Celle-ci témoigne de la frustration de la population face à « l’incapacité totale du gouvernement libanais à sécuriser et à gérer le pays », écrivent ses auteurs.

« Avec un système défaillant, la corruption, le terrorisme et les milices, le pays vient de rendre son dernier souffle. Nous pensons que le Liban doit être replacé sous mandat français afin d’établir une gouvernance propre et durable », ont-ils ajouté.

« Depuis le départ de la France, le pays n’a fait que s’enfoncer. Une guerre civile, des crises économiques, politiques et frontalières ont suivi », a déclaré un des signataires franco-libanais à Euronews.

La France prête à aider, mais pas à n’importe quel prix

En visite au Liban, le président français Emmanuel Macron est aussi allé dans ce sens en déclarant que « la priorité est l’aide inconditionnelle et le soutien à la population, nous serons là pour vous et nous ne vous abandonnerons pas ».

Il a toutefois ajouté qu’il souhaitait avoir un véritable dialogue avec les hommes politiques sur les réformes économiques et politiques que Paris réclame depuis des années pour lutter contre la corruption et stabiliser le pays. « Si les réformes ne sont pas menées à bien, le Liban continuera de s’enfoncer », a-t-il déclaré.

Le président français a également annoncé que l’aide française n’irait pas à des mains corrompues, tout en ajoutant qu’il chercherait à conclure un nouvel accord avec les dirigeants politiques du Liban. « Je vais parler à toutes les forces politiques pour leur demander un nouveau pacte. Je suis ici aujourd’hui pour leur proposer un nouveau pacte politique ».

Au mois de juillet dernier, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a lui aussi déclaré que les responsables politiques libanais empêchent le versement de l’aide indispensable à ce pays frappé par la crise. « La France est prête à se mobiliser pleinement aux côtés du Liban et à mobiliser l’ensemble de ses partenaires, mais cela nécessite la mise en oeuvre de mesures de réforme sérieuses et crédibles. Des actions concrètes sont attendues depuis longtemps », a déclaré le ministre lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre libanais des Affaires étrangères, Nassif Hitti, le 23 juillet dernier.

À Beyrouth, lors d’une visite officielle de deux jours, Le Drian a comparé l’aide française et internationale potentielle au Liban à une intervention divine. « Vous connaissez peut-être l’expression française aidez-vous et Dieu vous aidera. Ce que je veux dire aux responsables libanais aujourd’hui, c’est : aidez-vous et la France et ses partenaires vous aideront ».

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