
Pâques au Nigeria: près de 70 morts
70 personnes sont mortes dimanche et lundi lors d’une série d’attaques d’islamistes présumés et dans l’effondrement accidentel d’une église. Les individus mis en cause pourraient appartenir à la secte Boko Haram.
Près de 70 personnes ont été tuées pendant les fêtes de Pâques à Kano, grande métropole du nord du Nigeria: 45 lors d’attaques d’islamistes présumés dans le nord et 22 dans l’effondrement accidentel d’une église.
Des individus soupçonnés d’appartenir au mouvement islamiste Boko Haram ont mené dans la nuit de dimanche à lundi, et dans la journée de lundi, trois attaques séparées dans les États de Borno et Yobe, dans le nord, où le groupe est particulièrement actif, ont rapporté l’armée et la police.
Ces violences sont intervenues après un attentat à la bombe qui a fait, selon un nouveau bilan officiel lundi, 36 morts et 20 blessés près d’une église de Kaduna dans la matinée du dimanche de Pâques.
Fêtes de Pâques meurtrières
L’agence nationale des services de secours (Nema) a elle confirmé hier la mort de neuf personnes et indiqué que 38 autres avaient été blessées. L’attentat n’a pas été revendiqué, mais rappelle une attaque à la bombe contre une église, le jour de Noël, qui avait fait 44 morts et été revendiquée par Boko Haram.
« Les valeurs occidentales sont sacrilèges »
Si l’usage a consacré le label Boko Haram – « les valeurs occidentales sont sacrilèges », en langue haoussa -, ses cadres revendiquent la dignité de « militants de la propagation des enseignements du Prophète et du Djihad ». Ils prônent l’instauration d’un émirat islamique régi par le strict respect de la charia. Certes, la loi coranique a été promulguée peu après l’an 2000 dans 12 États du nord du Nigeria, majoritairement musulmans. Mais les zélotes de la « vraie foi » reprochent aux exécutifs locaux d’avoir agi ainsi par clientélisme électoral. Voilà pourquoi ils poursuivent d’une vindicte meurtrière les agents de pouvoirs jugés impies – militaires, policiers et fonctionnaires -, mais aussi les oulémas suspects de tiédeur, traités en « collabos ».
La nébuleuse Boko Haram reste une énigme
Les autorités d’Abuja décident en 2009 d’anéantir la légion rebelle en son fief de Maiduguri, dans l’État de Borno. À la clef, une hécatombe et une victoire à la Pyrrhus. Arrêté puis abattu, Mohammed Yusuf, leader charismatique du mouvement, accède au rang de martyr. Quant aux rescapés de la rafle, ils plongent dans la clandestinité, quitte à s’aguerrir au contact des « frères » d’Al-Qaeda.
Pour autant, la nébuleuse Boko Haram reste une énigme. « Des gangs criminels se planquent derrière cette bannière », avance un universitaire de Kano. Un soupçon analogue pèse sur une poignée de politiciens évincés du banquet des puissants, résolus à saper l’assise du gouvernement fédéral. De même, il n’est pas rare d’entendre un notable musulman accuser les « extrémistes chrétiens » d’emprunter la défroque des terroristes. Il serait simpliste de réduire le cauchemar récurrent du Nigeria au énième avatar d’un conflit ancestral entre disciples du Christ et adeptes du Prophète; mais tout aussi vain d’en nier la dimension religieuse. Lorsqu’un kamikaze massacre à Madalla, non loin d’Abuja, une quarantaine de fidèles au sortir de la messe de Noël, c’est, précise un communiqué, pour venger le meurtre de pieux musulmans le jour de l’Aïd-el-Fitr, épilogue du jeûne du ramadan. Crime perpétré à Jos, capitale de l’État central du Plateau, par des « croisés » fanatiques dont certains auraient dévoré la chair de leurs victimes.
Les forces de l’ordre s’étaient préparées
Les forces de l’ordre s’étaient préparées à d’eventuelles violences à l’approche des fêtes de Pâques. Selon un porte-parole militaire, des islamistes présumés ont mené dans la nuit de dimanche à lundi une attaque dans la ville de Dikwa, dans l’État de Borno, où Boko Haram a sa base. « Des terroristes présumés de Boko Haram ont attaqué et incendié » un commissariat de police, une banque et un hôtel et ont tenté de mettre le feu à un bâtiment administratif, a indiqué le lieutenant-colonel Sagir Musa, porte-parole de la force spéciale JTF, déployée à Borno.
Un homme politique local, « un sergent de la police et un civil ont été tués par les terroristes », a-t-il poursuivi, ajoutant que la JTF avait « repoussé l’attaque » et que trois assaillants avaient été tués. De plus, deux islamistes présumés ont été abattus par la JTF lundi après avoir ouvert le feu sur des soldats à un point de contrôle de Maiduguri, capitale de Borno, a ajouté la même source, affirmant qu’aucun soldat n’avait été blessé.
À Potiskum, dans l’État voisin de Yobe, d’autres membres présumés de Boko Haram ont tenté d’abattre dimanche soir un policier à son domicile et ont tué sa fillette de 7 ans, selon un porte-parole de la police.
L’insurrection de Boko Haram
Boko Haram vise régulièrement les symboles de l’autorité de l’État et est tenu responsable de très nombreux assassinats de policiers dans le nord.Le 20 janvier dernier, Kano a été frappée par l’assaut le plus meurtrier (185 morts) mené par Boko Haram qui avait visé principalement des commissariats. La ville est depuis secouée régulièrement par des violences imputées aux islamistes et l’armée a désamorcé hier un engin explosif découvert dans une voiture, sans faire de blessé, selon un porte-parole militaire.
L’explosion de dimanche matin à Kaduna a été causée par des bombes « dissimulées dans deux voitures » en face d’une église, et la majorité des victimes sont des conducteurs de taxi-moto, a indiqué un responsable des secours.
Dans la soirée de dimanche, une explosion avait aussi retenti à Jos, dans le centre. La police a confirmé hier qu’une personne avait été blessée par une bombe artisanale. En plus de ces violences islamistes, 22 fidèles ont été tués et 31 blessés dans l’effondrement d’une église du centre du Nigeria, à Adambge. Cet accident a été provoqué par un violent orage pendant une veillée pascale.
Le président nigérian Goodluck Jonathan, confronté à une insurrection de Boko Haram qui a fait plus de mille morts depuis 2009, avait exhorté samedi le pays à faire face aux défis du moment. Le Nigeria compte plus de 160 millions d’habitants, également répartis entre musulmans, majoritaires dans le nord, et chrétiens, plus nombreux dans le sud.
LeVif.be avec L’Express
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