Le Salvator Mundi de Leonard de Vinci. © belga

Où est passé « Salvator Mundi », le tableau de Leonard de Vinci le plus cher au monde ?

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Le chef-d’oeuvre « Salvator Mundi », attribué à Leonard De Vinci, reste introuvable. Cette oeuvre avait atteint un prix record lors d’une vente aux enchères en 2017. Elle doit être exposée au Louvre de Paris en octobre prochain.

De nombreux mystères entourent l’oeuvre « Salvator Mundi ». Ce « sauveur du monde » a été attribué officiellement à Leonard de Vinci en 2011 après un vif débat sur son authenticité. Le chef-d’oeuvre représentant un Christ Rédempteur a été vendu aux enchères chez Christie’s à New York en novembre 2017 pour un montant record jamais atteint dans le milieu de l’art : 450,3 millions de dollars (403 millions d’euros). Selon Martin Kemp, historien de l’art d’Oxford l’oeuvre est « une sorte de version religieuse de la Joconde » et « la plus forte expression par Léonard de Vinci de l’insaisissable du divin« .

Comme l’explique Les Echos, « tout est rocambolesque dans l’histoire de ce tableau : son prix, son authenticité contestée, sa provenance floue, sa restauration délirante, ses enjeux politiques et diplomatiques, les milliardaires qui l’entourent, sans compter la bataille judiciaire à laquelle il est mêlé. »

L’acheteur anonyme du tableau serait un confident du prince héritier d’Arabie Saoudite, le prince Mohammed bin Salman. Environ un mois après la vente aux enchères, Christie’s a confirmé que « le ministère de la Culture et du Tourisme d’Abu Dhabi est en train d’acquérir le ‘Salvator Mundi’ de Léonard de Vinci ». Mais coup de théâtre: alors que l’exposition du tableau au Louvre des sables est prévue le 17 septembre 2018, elle est annulée deux semaines avant. Depuis, personne ne semble savoir où se trouve le chef-d’oeuvre. Souci: le Louvre de Paris, souhaite inclure le tableau dans une grande exposition prévue à l’automne prochain à l’occasion du 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci. Le musée espère que l’oeuvre réapparaîtra à temps.

Le tableau mis aux enchères à New York provient de la collection d’un industriel britannique du XIXe siècle. Il a été retravaillé à outrance à cette époque, et avait été attribué à l’un des disciples de Léonard de Vinci. En 1958, il a été vendu pour l’équivalent de 1 350 dollars (1 209 euros).

Des doutes sur son authenticité

L’ancienne restauratrice du Metropolitan Museum of Art de New York, Dianne Modestini s’est employé, avec d’infinies précautions, plusieurs années durant, à ressusciter ce Christ. Pour elle, « priver les amateurs d’art et bien d’autres qui ont été touchés par ce tableau – un chef-d’oeuvre d’une telle rareté – est profondément injuste », déclare-t-elle au New York Times.

La façon dont Abu Dhabi a obtenu le chef-d’oeuvre n’a jamais été très claire. Était-ce un cadeau ? Un prêt ou via une vente privée ? Certains spécialistes supposent que le prince héritier Bin Salman a simplement décidé de garder l’oeuvre. Il n’est d’ailleurs sans doute pas le premier propriétaire royal de « Salvator Mundi ». De Vinci l’aurait peint vers 1500 et c’est l’une des deux oeuvres similaires mentionnées dans l’inventaire de la collection du roi Charles Ier d’Angleterre, après son exécution en 1649. Mais à la fin du XVIIIe siècle, elle a disparu de l’histoire pendant plus de 200 ans. Cette probable appartenance à Charles 1er d’Angleterre se révélera finalement inexacte.

Après son attribution officielle au peintre florentin de la Renaissance, le tableau a été exposé à la National Gallery de Londres en 2011. Deux ans plus tard, Dmitry Rybolovlev, un milliardaire russe, l’a acheté pour 127,5 millions de dollars, soit moins du tiers de ce qu’il a reçu lors de sa vente aux enchères par Christie’s à New York en 2017. D’expertises en contre-expertises, le tableau a en effet gagné autant de valeur que son mystère s’épaississait jusqu’à atteindre ce montant record aux enchères.

L’annulation de l’exposition de « Salvator Mundi » au Louvre Abu Dhabi a de nouveau soulevé des doutes sur son authenticité. Certains spécialistes soupçonnent que le nouveau propriétaire a peur de la recherche exacte de son auteur, ce qui dévaloriserait l’oeuvre. La restauration est en effet tellement importante qu’elle divise les experts à l’instar de Carmen Bambach, conservatrice au Met, qui y voit plutôt la main de Giovanni Boltraffio, un élève de Vinci, relate Les Echos. On dit aussi que Modestini a restauré le tableau avec un tel zèle que c’est autant son oeuvre que celle de Léonard de Vinci. « Des affirmations ridicules », déclare-t-elle.

Rumeurs

L’acheteur de la vente aux enchères de New York s’est révélé être un membre obscur d’une branche lointaine de la famille royale saoudienne. Il n’est pas connu comme un homme riche et n’a pas d’antécédents en tant que collectionneur d’art. Mais c’est un bon ami et confident du prince Mohammed bin Salman. Quelques mois après la vente aux enchères, la cour royale l’a nommé premier ministre saoudien de la culture.

Pendant la vente aux enchères, Christie’s a fait tout son possible pour garder l’identité de l’acheteur secrète. Seules quelques personnes ont eu le droit de connaître son identité. Les contrats et la correspondance que le New York Times a réussi à obtenir prouvent que le prince Bader était le soumissionnaire anonyme. Et d’après des responsables américains bien informés, il a agi comme un homme de paille pour le prince héritier Bin Salman lui-même, le véritable acquéreur de « Salvator Mundi », détaille De Morgen.

Le monde de l’art grouille encore plus de rumeurs sur le sort de « Salvator Mundi ». Selon un initié, il a été transféré en Europe après la vente aux enchères. Modestini a appris par un restaurateur de renom qu’une compagnie d’assurance zurichoise lui avait demandé l’automne dernier d’enquêter sur ce tableau. Mais cette enquête n’a pas abouti et l’expert n’a pas fait de commentaires. « Depuis l’automne, dit Modestini, plus personne ne semble savoir où est Salvator Mundi. » L’énigme reste entière.

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