
« Nous avons déjà perdu »: pourquoi certains ultranationalistes russes osent désormais critiquer Poutine
En Russie, de plus en plus de partisans de la guerre en Ukraine se retournent contre Vladimir Poutine. « Nous avons déjà perdu. Le reste n’est qu’une question de temps. »
Depuis plusieurs jours, Vladimir Poutine fait croire, lors de ses prises de paroles, à un statu quo en Ukraine. La réalité est toute autre : la contre-offensive éclair de l’armée ukrainienne a débouché sur les plus grands gains territoriaux depuis le début de la guerre. Le porte-parole du ministère de la Défense a reconnu que l’armée russe s’était retirée de nombreux endroits de la province de Kharkiv. Officiellement, l’armée russe l’a fait dans le but de se regrouper dans la province de Donetsk et «d’atteindre l’objectif de libération du Donbass». Mais il s’agit en réalité d’une défaite militaire majeure pour la Russie. Une situation qui devient de plus en plus compliquée à cacher.
Sceptisime ambiant envers Poutine
À la télévision, l’écrivain russe ultranationaliste Zakhar Prilepin était sceptique dans son intervention. « La situation est telle que nous avons quelques difficultés », a-t-il déclaré dans un talk-show pro-Kremlin. La Russie a une « armée compacte bien équipée en artillerie et en puissance aérienne », a déclaré Prilepine. « Mais l’adversaire peut appeler et déployer des réserves à l’infini, tandis que les unités russes doivent constamment se précipiter d’un endroit à un autre. Parfois, je me sens désolé pour eux, mon cœur saigne. »
Le scepticisme russe ambiant se fait davantage entendre sur les réseaux sociaux. Même les plus ardents partisans de la guerre russe en Ukraine commencent à émettre des critiques envers le Kremlin. « C’est, bien sûr, le résultat d’erreurs du haut commandement », a déclaré Daniil Bezsonov, ministre de l’Information de la République populaire de Donetsk, dans le Donbass. « Un retrait rapide entraînera inévitablement de lourdes pertes en équipements, en munitions et – le plus sensible de tous – en personnes », a déclaré l’ultranationaliste Igor Girkin à un demi-million de partisans. « Nous avons déjà perdu. Le reste n’est qu’une question de temps », a-t-il déclaré.
« Échec terrible »et « trahison »
Le fait que les festivités du 875e anniversaire de Moscou aient pu avoir lieu ce week-end alors que des militaires russes ont été tués au combat n’est également pas bien passé chez les ultranationalistes et autres adhérents militaires russes. « Vous organisez une fête qui coûte un milliard de roubles. Qu’est-ce qui ne va pas chez vous? On ne fait pas ça au moment d’un échec aussi terrible », écrit l’un des blogueurs russes, insistant sur le fait que de nombreux soldats manquent d’un bon équipement.
Beaucoup de ces blogueurs russes sont d’anciens soldats ou officiers. Ils sont pour la guerre mais sont de plus en plus nombreux à se retourner contre leur président. Sur la chaîne Rybar Telegram, le Kremlin a été accusé d’avoir gardé le silence pendant des jours sur la gravité de la situation dans la province de Kharkiv, et des mots tels que « trahison » ont été prononcés. Selon l’Institut pour l’étude de la guerre, les blogueurs militaires parlent de plus en plus de l’incompétence de l’armée russe et de ses dirigeants. Chose qui aurait été impensable au début de la guerre.
Même Ramzan Kadyrov, l’allié tchétchène excentrique de Poutine, a critiqué le ministère russe de la Défense, qui « a commis des erreurs. »
« Si la stratégie de l’opération militaire spéciale n’est pas ajustée aujourd’hui ou demain, je devrai parler avec la direction du ministère de la Défense et du pays, pour leur expliquer la situation réelle sur le terrain», a-t-il ajouté.
Poutine patine
Dans la banlieue de Saint-Pétersbourg, sept membres du conseil municipal ont été dénoncés par la police pour avoir discrédité l’armée russe. Le 7 septembre, ils avaient demandé à la Douma d’Etat d’accuser Vladimir Poutine de haute trahison et de le destituer. Ils ont reproché à Poutine d’être le responsable de la mort de jeunes Russes. Ils ont également souligné que l’invasion nuisait à l’économie et contribuait à la fuite des cerveaux. Elle a, selon eux, également renforcé l’OTAN grâce à l’adhésion de la Suède et de la Finlande.
Le conseil de district de Lomonossov, à Moscou, a également appelé Poutine à démissionner, affirmant que « ses positions et sa gouvernance sont désespérément dépassées et entravent le développement de la Russie et de son potentiel humain ».
Pour de nombreux Russes, bercés par les discours d’Etat falsifiés, les défaites militaires de ce week-end sont un véritable choc. Sur certains réseaux sociaux comme Telegram, la surprise se transforme en colère. Les canaux où les partisans de la guerre s’informent sont désormais des lieux où la crédibilité des dirigeants russes est discutée. Poutine arrivera-t-il encore longtemps à garder un soutien populaire ? En tout cas, le vent commence doucement à tourner…
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