
Nagorny Karabakh: le point sur la situation
Alors que plus de 28.000 réfugiés venant du Nagorny Karabakh sont arrivés en Arménie, plusieurs députés belges mettent en garde contre un risque de génocide. Les Etats-Unis exigent de la part de l’Azerbaïdjan une protection des civils.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé mardi l’Azerbaïdjan à respecter ses engagements de protéger les civils au Nagorny Karabakh et à y permettre l’accès de l’aide humanitaire, dans un appel téléphonique au président, Ilham Aliev.
« Le secrétaire d’État s’est à nouveau entretenu avec le président Aliev aujourd’hui et a souligné l’urgence de mettre fin aux hostilités, d’assurer la protection inconditionnelle et la liberté de mouvement des civils, et de garantir un accès humanitaire sans entrave au Nagorny Karabakh », a déclaré à la presse le porte-parole du département d’État, Matthew Miller.
Au cours de leur entretien téléphonique, le président Aliev « a déclaré qu’il n’y aurait pas d’autre action militaire et nous attendons de lui qu’il s’y tienne », a encore indiqué le porte-parole lors d’un point presse. « Il a également déclaré qu’il accepterait une mission d’observation et nous attendons de lui qu’il s’y tienne », a-t-il ajouté. Plusieurs pays dont les États-Unis se sont dits favorables à l’envoi d’une mission internationale au Nagorny Karabakh dont les contours restent cependant à dessiner.
Antony Blinken s’est aussi entretenu ces derniers jours avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian. Les États-Unis ont mené trois sessions de pourparlers de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans le but d’apaiser les tensions dans le Nagorny Karabakh, sans succès.
La Belgique s’inquiète
Plusieurs députés belges ont exprimé mardi en commission des Relations extérieures de la Chambre leur inquiétude sur un risque de génocide dans le Haut-Karabakh. Si elle s’est dite préoccupée par la situation de la population dans cette région, la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib s’est toutefois gardée d’aller jusque-là.
À la suite de l’offensive éclair menée par l’armée azerbaïdjanaise dans cette enclave peuplée en grande majorité d’Arméniens, des milliers de personnes fuient la région via le corridor de Latchine qui les mène vers l’Arménie et qui est strictement contrôlé par les autorités de Bakou. Au moins 28.000 réfugiés ont atteint l’Arménie ce mardi.
Le ministre arménien des Affaires étrangères a réclamé samedi à la tribune des Nations unies l’envoi « immédiat » au Nagorny Karabakh d’une « mission » de l’ONU pour évaluer et surveiller la situation sur le terrain, répétant les accusations de « nettoyage ethnique » dans la région sécessionniste.
« Un risque de purification ethnique »
À plusieurs reprises, Erevan a évoqué un génocide, une accusation reprise par l’ancien procureur général de la Cour pénale internationale, Luis Morano-Ocampo. Les députés Michel De Maegd (MR), Samuel Cogolati (Ecolo-Groen), Goedele Liekens (Open Vld), Els Van Hoof (CD&V) et Georges Dallemagne (Les Engagés) ont également utilisé ce mot mardi. « Cela sent quand même le génocide. Il faut entreprendre des actions« , a lancé Mme Liekens. « Oui, il faut pouvoir le dire, il y a un risque de purification ethnique, de génocide (…) On ne peut pas le prendre à la légère, quelle que soit la qualification juridique retenue. Cent vingt mille habitants du Haut Karabakh sont en danger existentiel », a affirmé M. De Maegd.
« Vu la brutalité de l’intervention militaire azerbaïdjanaise et après que la population locale a été mise sous pression pendant neuf mois, nous avons toutes les raisons de nous préoccuper du respect des droits et de la sécurité de la population arménienne du Haut Karabakh. Nous sommes témoins de l’exode de milliers de citoyens qui suscite nos plus vives préoccupations », a expliqué Mme Lahbib. La ministre ne s’est pas départie de la prudence habituelle des Affaires étrangères à propos de la qualification de génocide. « La situation est vraiment inquiétante quant au respect des droits des populations. Je serai prudente sur l’utilisation du mot génocide: c’est une terminologie juridique qui nécessite une décision d’un pouvoir judiciaire », a-t-elle souligné.
Le 5 octobre, une réunion aura lieu à Grenade, en Espagne, qui rassemblera des représentants arméniens, azerbaïdjanais, français, allemands et de l’UE. « C’est un signe encourageant », a estimé Mme Lahbib. La Belgique s’est dite prête à soutenir les initiatives d’accueil de personnes déplacées en Arménie.
Une explosion d’un dépôt de carburant
Les autorités séparatistes ont, par ailleurs, fait état de l’explosion d’un dépôt de carburant qui a fait plus de 290 blessés au Nagorny Karabakh, et demandé une assistance extérieure urgente pour faire face à cette catastrophe. « Soixante-huit morts sont confirmées », a déclaré l’entité séparatiste, ajoutant que 290 personnes étaient blessées et 105 portées disparues.
Une rencontre prévue à Bruxelles
Des milliers d’habitants du Nagorny Karabakh se sont déjà réfugiés en Arménie, malgré la promesse de l’Azerbaïdjan, réitérée par son président, Ilham Aliev, que les droits des Arméniens qui resteront dans cette enclave conquise par son armée seraient « garantis ». Il s’exprimait au côté de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, acteur clef dans la région, quelques jours seulement après la victoire éclair des soldats azerbaïdjanais contre les troupes de la « république » autoproclamée du Nagorny Karabakh, une région en majorité peuplée d’Arméniens rattachée en 1921 à l’Azerbaïdjan par le pouvoir soviétique.
L’Union européenne doit recevoir à Bruxelles de hauts représentants de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, deux anciennes républiques soviétiques qui se sont affrontées militairement au Nagorny Karabakh de 1988 à 1994 (30.000 morts) et à l’automne 2020 (6.500 morts). Le bilan de l’invasion-éclair de la semaine dernière est de 200 morts, selon la partie arménienne. Simon Mordue, principal conseiller diplomatique du président du Conseil européen Charles Michel, présidera cette rencontre à Bruxelles. L’Azerbaïdjan et l’Arménie, ainsi que la France et l’Allemagne, seront représentés par leurs conseillers nationaux à la sécurité. Le représentant spécial de l’UE pour le Caucase du Sud, le diplomate estonien Toivo Klaar, participera également. Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azerbaïdjanais se rencontreront pour leur part le 5 octobre à Grenade, en Espagne, avec la participation du président français Emmanuel Macron, du chancelier allemand Olaf Scholz et du président du Conseil européen Charles Michel, une rencontre prévue de longue date qui n’a pas été annulée.
L’afflux de réfugiés se poursuit
En attendant, l’afflux sur le sol arménien de réfugiés du Nagorny Karabakh se poursuit, avec d’immenses embouteillages sur l’unique route reliant sa « capitale » Stepanakert à l’Arménie.
Des centaines de véhicules avec des familles empilant leurs affaires sur le toit se pressaient au dernier poste de contrôle azerbaïdjanais avant d’entrer en territoire arménien via le corridor de Latchine, mardi matin.
L’Azerbaïdjan s’est engagé à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes d’aller en Arménie. Beaucoup craignent que les Arméniens ne fuient massivement le Nagorny Karabakh, au moment où les forces azerbaïdjanaises resserrent leur emprise. Car outre l’angoisse qui règne parmi les quelque 120.000 habitants de la région, la situation humanitaire y demeure très tendue.
Plus de 13.000 réfugiés fuyant le Nagorny Karabakh sont arrivés en Arménie, a indiqué le gouvernement arménien, près d’une semaine après le lancement d’une offensive azerbaïdjanaise et la capitulation des séparatistes dans cette enclave disputée. « Le gouvernement fournit un hébergement à tous ceux qui n’ont pas d’endroit où vivre », ont indiqué les autorités arméniennes dans un communiqué, précisant que l’enregistrement des réfugiés se poursuivait.