Aymeric old de Lamotte

Mme Merkel, renoncez à l’accord européen avec la Turquie!

Aymeric old de Lamotte Conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre et avocat

Début du mois, les Vingt-Huit et la Turquie ont conclu un accord de principe sur le sort des migrants arrivant sur le territoire européen dont il est prévu l’entérinement lors du conseil européen du 17-18 mars.

En bref, l’aspect majeur du plan, toujours en négociation, prévoit la réadmission par la Turquie de tous les migrants arrivés illégalement sur le territoire européen en échange de 6 milliards échelonnés jusqu’en 2018, la suppression des visas pour ses citoyens d’ici juin prochain et une relance des négociations de son adhésion dans l’Union européenne.

Notre droit d’asile aux mains d’un régime autoritaire

Le droit d’asile n’a pas germé dans le texte de la Convention de Genève, ni dans les traités de l’Union européenne, mais bien dans les églises du Moyen-Age, dans l’exil de Victor Hugo à Guernesey ou encore dans la fuite de Karl Marx à Bruxelles. Le droit d’asile, c’est avant tout une part vitale de notre humanisme européen. Cependant, entre les lignes de cet accord, il apparaît, comme le constate Guy Verhofstadt avec effarement, que « ce sera la Turquie et son président Erdogan qui, sur base individuelle, décideront qui est réfugié politique et qui ne l’est pas, qui peut aller en Europe et qui ne peut pas« [1]. Il s’agirait d’un transfert pur et simple de notre politique d’asile et d’immigration et, par la même, d’une partie de notre démocratie et de notre humanisme au gouvernement d’Ankara. En effet, Recep Erdogan, cet autocrate au dangereux conservatisme religieux pour qui aucun Européen n’a jamais voté, et qui bafoue allégrement certains droits fondamentaux, détiendrait un pan de la souveraineté des peuples européens.

En échange de compensations néfastes

La suppression des visas pour les citoyens turcs rapprocherait, d’une part, encore un peu plus la Turquie d’un espace Schengen déjà décrié par les Etats participants et profondément fragilisé par la crise migratoire. La relance des négociations d’adhésion, quant à elle, laisserait miroiter l’accession dans l’Union d’un pays qui n’a aucune vocation à l’intégrer tant d’un point de vue géographique que culturel. Ce constat est d’autant plus vrai que l’Europe traîne un profond déficit identitaire. En effet, celle-ci a manqué à son devoir d’introspection, étape pourtant essentielle à l’édification d’un peuple européen. Le renoncement du président français, Valéry Giscard d’Estaing, à inscrire notre héritage grec dans la mort-née constitution européenne, et au sein du traité de Lisbonne dans la foulée, en est un exemple révélateur. Un autre s’étend sur nos billets d’euro qui affichent une série de ponts imaginaires en lieu et place de notre riche patrimoine architectural européen. Ce n’est pas en repoussant toujours plus loin les frontières de notre continent que l’on va aider le Belge, l’Italien et l’Allemand à se forger, enfin, un socle de valeurs qui les unit.

La réponse doit impérativement être européenne

Classons ce plan dans les archives des traités avortés et assumons nos responsabilités en concentrant notre énergie, et ces 6 milliards, dans deux chantiers européens trop longtemps éludés. D’une part, la construction d’une véritable politique commune de contrôle aux frontières de l’Union. D’autre part, l’instauration de centres d’accueil européens dans les pays limitrophes à l’espace Schengen et au-delà de la Méditerranée. Ces derniers traiteraient les demandes d’asile sur base de critères unifiés, transparents et respectueux du droit européen et international. Un système de quotas bien orchestré prendrait, dès lors, tout son sens, car les réfugiés se répartiraient dans tel ou tel pays sans pouvoir se déplacer à l’intérieur de l’espace Schengen. Il permettrait aussi d’éviter la venue de migrants économiques, endiguerait le trafic des passeurs, diminuerait les désastreux naufrages en mer et rendrait désuets les murs qui s’érigent, ici et là, en Europe. Quant à l’asile obtenu par les réfugiés, ce dernier leur serait octroyé pour une durée déterminée, et non, comme c’est le cas actuellement, pour une durée indéterminée qui débouche naturellement sur la nationalité dans beaucoup d’Etats membres. Ces individus auraient ainsi vocation à retrouver leur pays de coeur une fois celui-ci pacifié.

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