Mariano Rajoy © AFP

Mariano Rajoy, l’éternel survivant, finit par chuter

Le Vif

Renversé vendredi après plus de six ans au pouvoir en Espagne, le conservateur Mariano Rajoy avait jusqu’ici survécu à chaque crise en battant, patiemment, ses adversaires à l’usure.

Barbe grise bien taillée, le conservateur de 63 ans a fini par chuter après une décision de justice sévère dans une tentaculaire affaire de corruption qui a impliqué son Parti populaire (PP).

Une majorité des 350 députés ont voté vendredi une motion de censure présentée par le chef de l’opposition socialiste Pedro Sanchez à la suite de cette sentence, l’évinçant du pouvoir qu’il a conquis fin 2011.

Sa patience l’avait pourtant jusqu’ici toujours sauvé, reconnaissent ses partisans, qui voient en lui un stratège hors pair, comme ses adversaires, qui le décrivent comme un immobiliste rigide et sans charisme.

Symbole de sa capacité à survivre à tout, il s’était tiré en 2005 d’un accident d’hélicoptère avec seulement un doigt cassé.

Élu pour la première fois en 1981 dans sa Galice natale, Mariano Rajoy « est le seul politicien qui a fait ça toute sa vie », assure Anton Losada, politologue et auteur d’une biographie du dirigeant conservateur.

« Il a gagné des élections, il en a perdu, il a été ministre, chef de l’opposition… il est passé par tout ». « Il a appris à attendre, à supporter la pression », dit-il. À côté, ses adversaires passent pour des « novices ».

Ressuscité

C’est ainsi que malgré une série de scandales de corruption et un plan d’austérité très impopulaire pendant son premier mandat, le PP a remporté les élections législatives de décembre 2015, même s’il a perdu la majorité absolue à la chambre.

En mauvaise posture pour être reconduit chef du gouvernement, Mariano Rajoy a alors regardé ses adversaires, socialistes, radicaux de gauche Podemos et libéraux de Ciudadanos, échouer à s’entendre pour le remplacer.

Et au bout de dix mois de blocage, marqués par de nouvelles législatives qui ont vu le PP progresser, il était à nouveau investi, à la tête cette fois d’un gouvernement minoritaire.

Ressuscité mais fragilisé, il a affronté de nouvelles crises, dont la tentative de sécession de la Catalogne en octobre 2017.

Malgré les critiques envers sa gestion de la pire crise qu’ait connu l’Espagne en quatre décennies de démocratie, il est parvenu à placer sous tutelle, sans que les troubles redoutés, cette région pourtant très attachée à son autonomie.

Les séparatistes y ont conservé le pouvoir, mais ils ne menacent pour l’instant plus de faire sécession.

Jamais mort

Les humoristes moquent ses lapalissades: « L’Espagne est une grande nation, et les Espagnols, très espagnols », lançait-il en 2015. Mais au Parlement, il désarme ses adversaires avec son esprit de repartie et son humour sarcastique.

Ce fils de président de tribunal provincial est très discret sur sa vie privée: sa femme Elvira Fernandez et ses deux enfants apparaissent très rarement en public.

Il répète à l’envi qu’il a débuté comme colleur d’affiches pour l’Alliance populaire, parti fondé par des ministres du dictateur Franco, et a gravi les échelons un par un.

« Quand on ne court pas, on a moins de chances de trébucher », disait-il dans une vidéo de campagne mettant en scène sa pratique de la marche.

Il a enchaîné les ministères dans les gouvernements de droite de José Maria Aznar (1996-2004), encaissant en première ligne les déluges de critiques sur la marée noire du Prestige et l’engagement dans la guerre en Irak.

Puis essuyé, en 2004 et 2008, deux défaites aux élections législatives face au socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, avant d’être finalement porté au pouvoir dans une Espagne ravagée par la crise économique.

Et malgré sa chute vendredi, sans successeur désigné pour diriger le parti, il a suffisamment de ressources pour revenir et emporter de nouvelles élections, estime Anton Losada. « On ne pourra donner Rajoy pour mort que quand il sera mort, pas avant », raille-t-il.

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