Lula, un an en prison et un horizon assombri

Le Vif

Depuis son incarcération, le 7 avril 2018, Lula n’est sorti de prison que deux fois, l’une d’elles début mars pour assister aux obsèques de son petit-fils, un coup dur supplémentaire durant cette première année derrière les barreaux qui a vu l’élection de son antithèse politique Jair Bolsonaro.

La première fois que l’ex-président brésilien (2003-2010) avait quitté le siège de la police fédérale de Curitiba (sud), où il est confiné dans une cellule de 15 mètres carrés, c’était en novembre le temps d’un interrogatoire.

C’est pour cette nouvelle affaire de corruption qu’en février, Luiz Inacio Lula da Silva a été condamné à 12 ans et 11 mois de prison. Cette peine est venue s’ajouter aux 12 ans et un mois qu’il a commencé à purger il y a un an. Mais à 73 ans, l’icône de la gauche ne se laisse pas abattre: il fait de l’exercice tous les jours sur le tapis de course installé dans sa cellule et reste déterminé à prouver son innocence, s’estimant victime d’une « mascarade judiciaire » pour l’empêcher de revenir au pouvoir.

« C’est évident qu’il est dévasté par la mort de son petit-fils » – Arthur, 7 ans, décédé subitement d’une infection généralisée le 1er mars -, raconte à l’AFP Gleisi Hoffmann, présidente du Parti des Travailleurs de Lula. « Mais d’un point de vue politique, pour ce qui est d’affronter toutes les injustices dont il est victime, il reste très fort », ajoute-t-elle.

Jugement reporté

Dans sa cellule au quatrième étage du siège de la police fédérale, Lula passe la plupart de son temps à lire, ou à écrire des lettres publiées par la suite sur le site du PT. Et ne manque aucun match de son club de coeur, le Corinthians, à la télévision. Lors des visites quotidiennes de ses avocats, les mauvaises nouvelles s’enchaînent, ses recours étant rejetés un à un.

Jeudi, le président de la Cour suprême a reporté sine die un jugement qui pourrait entraîner sa libération. Il s’agit de déterminer si une personne peut être ou non incarcérée dès sa condamnation par un tribunal de deuxième instance, ce qui est son cas, même si des recours sont encore possibles. Son sort se retrouve désormais entre les mains du Tribunal Supérieure de Justice (STJ), le troisième niveau d’instance au Brésil avant la Cour suprême, qui pourrait prendre une décision ces prochains jours concernant un recours introduit par ses avocats. Certaines voix se sont élevées pour demander à ce qu’il purge sa peine à domicile, mais son cas déchaîne tant de passions qu’il est difficile de voir une lumière au bout du tunnel pour Lula.

Ses deux condamnations portent sur des faits de corruption passive et blanchiment d’argent: à chaque fois, il est accusé d’avoir accepté des avantages en nature de la part d’entreprises du bâtiment en échange de faveurs dans l’attribution de marchés publics liés à la compagnie d’Etat Petrobras.

Faux espoir

Au delà des tragédies personnelles – il a aussi perdu son frère fin janvier et n’a pas été autorisé à assister à ses obsèques – et des problèmes judiciaires, Lula a également été affecté par la déroute politique de son parti. Son poulain Fernando Haddad, qui l’a remplacé au pied levé dans la course présidentielle quand il a été déclaré inéligible, a été battu sèchement au second tour par Jair Bolsonaro. Une semaine avant de se faire élire avec 55% des suffrages, l’ex-militaire d’extrême droite avait promis que, s’il accédait au pouvoir, Lula allait « pourrir en prison ». Le président Bolsonaro a même nommé ministre de la Justice Sergio Moro, juge anti-corruption emblématique et ennemi intime de l’icône de la gauche, qui l’a condamné en première instance en juillet 2017.

Bien avant le scrutin, il a eu un faux espoir de sortir de prison le 8 juillet 2018, quand un juge de permanence le week-end avait décidé de le libérer, avant qu’un autre magistrat n’annule sa décision. « On croyait vraiment qu’il serait libéré », affirme Gleisi Hoffmann. D’après le journal Folha de S. Paulo, Lula avait même fait ses valises et s’était dirigé vers l’ascenseur, avant d’être informé qu’il resterait en prison.

A l’occasion de l’anniversaire de son incarcération, la poignée de militants qui campent devant le siège de police fédérale devraient recevoir quelques renforts pour crier comme chaque matin à sa fenêtre: « Bonjour président Lula! ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire