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Liu Xiaobo, incarnation des idéaux démocratiques en Chine

Le Vif

Premier Chinois à recevoir le prix Nobel de la paix, Liu Xiaobo, atteint d’un cancer, a été libéré en mai après presque huit années en prison, où il incarnait depuis sa cellule la lutte sans concession pour les idéaux démocratiques dans son pays.

Ancienne figure de proue du mouvement démocratique de Tiananmen en 1989 et bête noire du régime communiste, l’écrivain de 61 ans a bénéficié d’une mise en liberté conditionnelle après avoir été diagnostiqué d’un cancer du foie en phase terminale.

C’est depuis sa cellule, où il purgeait sa condamnation pour « subversion », que Liu Xiaobo a appris en 2010 l’attribution du Nobel de la paix, qu’il a dédié aux morts de Tiananmen.

La prestigieuse récompense lui a été remise de façon symbolique, en son absence, le 10 décembre 2010 à Oslo, l’écrivain étant représenté à la cérémonie par une chaise vide.

Ce prix avait provoqué la fureur de Pékin –pour qui le militant des droits de l’homme n’est qu’un « criminel »–, tandis que des images de fauteuils vides étaient censurées sur l’internet chinois.

Mais le Nobel a également assuré une reconnaissance internationale à l’engagement de Liu Xiaobo, une lutte de plusieurs décennies marquées par de longues périodes de détention.

Des écrits devenus ‘crime’

En 1989, de retour des Etats-Unis, où il avait enseigné à l’Université Columbia de New York, cet enseignant de l’Université normale de Pékin participe au mouvement démocratique de la place Tiananmen, déclenché par les étudiants.

Face au durcissement du régime, il prend part à la grève de la faim sur la célèbre esplanade avant de tenter une médiation pour obtenir une évacuation pacifique à l’approche de l’armée, dans la nuit du 3 au 4 juin.

Arrêté après la sanglante répression du mouvement, M. Liu passera un an et demi en prison sans jamais avoir été condamné.

Il est ensuite envoyé dans un camp de rééducation « par le travail » entre 1996 et 1999 après avoir réclamé une réforme politique et la libération des militants de 1989 toujours emprisonnés.

Sur les rares photos prises lors de ses épisodes de liberté, il apparaît maigre, avec des lunettes à fine monture, un grand front, des cheveux ras.

Exclu de l’université, il devient un animateur du Centre indépendant Pen Chine, un regroupement d’écrivains, et garde un contact étroit avec le monde intellectuel.

Contournant la censure, il diffuse à Hong Kong ses écrits où il dénonce volontiers le consumérisme frénétique d’une société chinoise déboussolée et amnésique, ainsi que les élites et artistes « vendus » au régime.

A l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme, il participe à la rédaction de la « Charte 2008 », qui appelle au respect de la liberté d’expression et à l’instauration d’élections.

« Il faut cesser la pratique consistant à traiter des écrits en crime », insistait le texte.

‘Ni ennemis, ni haine’

Cela lui vaut d’être condamné, le jour de Noël 2009, à 11 ans de prison pour « subversion du pouvoir de l’Etat ». Depuis, les Etats-Unis et l’Union européenne n’ont cessé de réclamer sa libération, à l’unisson d’une vaste mobilisation internationale.

L’épouse de Liu Xiaobo, Liu Xia, artiste devenue militante, a elle même été placée en résidence surveillée à Pékin au lendemain de l’annonce du Nobel, devenant un autre symbole de la résistance à l’étau du parti unique chinois.

Elle restait lundi assignée à résidence à son domicile pékinois, où elle est privée de quasiment tout contact avec l’extérieur, selon Amnesty International.

Liu Xiaobo est désormais hospitalisé à Shenyang, dans la province du Liaoning (nord-est) dont il est originaire et où il purgeait sa peine. Il y est traité par « une équipe de huit oncologistes réputés », a précisé l’administration pénitentiaire.

Dans une interview publiée en 2009, l’écrivain expliquait garder espoir: « Cela va progresser très lentement, mais les demandes de liberté –chez les gens ordinaires mais aussi les membres du Parti– ne seront pas faciles à contenir ».

« Je n’ai ni ennemis ni haine », assurait-il par ailleurs dans un texte lu lors de la cérémonie du Nobel.

Mais après l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping fin 2012, la pression s’est renforcée: après avoir réprimé les défenseurs des droits de l’homme, Pékin s’est attaqué à leurs avocats, emprisonnant par dizaines juristes et militants.

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