Le caractère insulaire d'Ha-shima, au sud du Japon rend cette ville fantôme exceptionnelle. Ancien site d'extraction de charbon où vivaient des familles d'ouvriers et d'ingénieurs, l'île se visite aujourd'hui via un circuit touristique très balisé. © Richard Atrero de Guzman/AFLO

L’exploration urbaine, du tourisme noir au tourisme de masse (en images)

Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Hobby farfelu et libertaire né dans les années 1980, l’exploration urbaine (urbex) s’est échappée des catacombes de Paris pour contaminer le monde. Escalade de gratte-ciel, découverte de réseaux sous-terrains ou de friches industrielles : la discipline propose de visiter des lieux construits par l’homme, abandonnés ou interdits, en tout cas difficiles d’accès. Ces pratiques autrefois confidentielles se diversifient et se vulgarisent via les réseaux sociaux. Ainsi, le hashtag « Urbex » dépasse aujourd’hui les 3,5 millions d’occurences sur Instagram pour 684 000 résultats sur Youtube.

Couronné par 300 millions de vues et 3 millions d’abonnés sur sa page, Exploring With Josh compte parmi la vingtaine de youtubeurs sublimant l’urbex. Ces néoarchéologues – qui ont inspiré notre sélection- suivent une certaine éthique et documentent leurs expéditions. Paire de vidéastes semi-pros, TheProper People détaille ainsi, caméra en main, sa méthode de repérage pour débusquer l’entrée du métro oublié de Cincinnati, aux Etats-Unis. Revenant sur l’histoire de ce dernier, le duo n’emporte que des souvenirs numériques et ne touche à rien sur place.

D’autres explorateurs ne s’embarrassent toutefois pas de ce délicat équilibre entre frissons, histoire des lieux et aventure. « Encerclé par des dealers ! », « Urbex, un paysan veut nous tuer ! »… les pièges à clics tendus par des ados avides de popularité pullulent sur le site vidéo de Google. L’adrénaline et la transgression ne sont heureusement pas les seules motivations des « urbexeurs ». Formidable porte d’entrée sur un imaginaire post-apocalyptique bien dans l’air du temps, le mouvement passionne des photographes, musiciens (le batteur de jazz belge Antoine Pierre) et réalisateurs (la formidable série Abandoned sur Vice) pour des raisons esthétiques évidentes.

Mais cette popularité « embourgeoise » l’urbex. Des team building et des enterrements de vie garçon s’organisent dans des aciéries délabrées à Charleroi. A 10 000 km de là, la ville de Nagasaki encadre les visites de l’île japonaise d’Ha-shima, tandis que le village chinois d’Houtouwan se transforme en Disneyland version Mad Max. Ou comment, une fois encore, la subversion devient l’outil cynique de nos industries culturelles…

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