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Les Tunisiens manifestent contre un retour des jihadistes et le risque réel de « somalisation » du pays

Le Vif

Des centaines de Tunisiens ont protesté samedi devant le Parlement à Tunis contre un éventuel retour au pays de leurs compatriotes jihadistes. Dans le même temps, les forces de sécurité intérieures se sont alarmées d’un risque de « somalisation » de la Tunisie en cas de retour massif des jihadistes tunisiens dans leur pays, exhortant le gouvernement à prendre des « mesures exceptionnelles », dont la déchéance de nationalité.

La Tunisie compte plus de 5.000 ressortissants dans les rangs d’organisations jihadistes à l’étranger, notamment en Irak, Syrie ou encore en Libye, selon le groupe de travail de l’ONU sur l’utilisation de mercenaires, et leur retour au pays suscite de grandes craintes.

A l’appel d’un collectif comprenant notamment des organisations non-gouvernementales, la manifestation a rassemblé quelque 1.500 personnes, selon les organisateurs. « Non au retour » des jihadistes!, pouvait-on lire sur les pancartes.

Ce rassemblement intervient quelques semaines après des propos très commentés du président tunisien Béji Caïd Essebsi au sujet des jihadistes. « Nombre d’entre eux veulent rentrer, on ne peut pas empêcher un Tunisien de revenir dans son pays (…) Mais évidemment (…) nous allons être vigilants », avait-il déclaré le 2 décembre à l’AFP. « Nous n’allons pas les mettre tous en prison, parce que si nous le faisons nous n’aurons pas assez de prisons, mais nous prenons les dispositions nécessaires pour qu’ils soient neutralisés. Nous les surveillons », avait-t-il ajouté.

Après des critiques dans la presse tunisienne et sur les réseaux sociaux, M. Essebsi avait précisé son propos le 15 décembre à la télévision publique, assurant: « On ne sera pas indulgent avec les terroristes » qui reviendront et auxquels s’appliquera la loi antiterroriste.

« Non à la repentance! Non à la liberté pour les groupes terroristes », ont scandé samedi les protestataires, dont certains clamaient également des slogans contre Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahdha membre de la coalition gouvernementale.

M. Ghannouchi avait soutenu dans le passé l’idée de « repentance » pour les jihadistes tunisiens qui voudraient rentrer chez eux, à la condition qu’ils abandonnent la violence.

La manifestation de samedi intervient également moins d’une semaine après l’attentat sur un marché de Noël à Berlin qui a fait 12 morts et dont l’auteur présumé est un Tunisien de 24 ans qui devait être expulsé d’Allemagne.

Ce dernier avait fait allégeance au groupe jihadiste Etat islamique (EI), qui a revendiqué l’attentat, selon une vidéo diffusée par l’agence de propagande du groupe.

Trois jihadistes présumés liés au suspect tunisien ont été arrêtés vendredi, a annoncé samedi le ministère tunisien de l’Intérieur sans toutefois mentionner s’ils avaient un lien avec l’attaque. Vendredi soir, le ministre tunisien de l’Intérieur Hédi Majdoub avait indiqué devant le Parlement que 800 Tunisiens ayant rejoint une organisation extrémiste étaient rentrés en Tunisie.

Le risque de « somalisation » du pays, inquiétude des services de sécurité tunisiens

Les forces de sécurité intérieures se sont alarmées d’un risque de « somalisation » de la Tunisie en cas de retour massif des jihadistes tunisiens dans leur pays, exhortant le gouvernement à prendre des « mesures exceptionnelles », dont la déchéance de nationalité.

« Le retour en Tunisie des terroristes en provenance des foyers de tension est alarmant et peut conduire à la somalisation du pays », a affirmé dans un communiqué le syndicat national des forces de sécurité intérieure. Ces jihadistes ayant notamment combattu en Irak, en Syrie et en Libye « ont reçu des formations militaires et appris à manipuler toutes sortes d’armes de guerre sophistiquées », a relevé le syndicat.

Déplorant « l’absence de volonté politique », les forces de sécurité ont exhorté le gouvernement à prendre des mesures « exceptionnelles », mentionnant « la déchéance de nationalité ».

Ces jihadistes pourraient rejoindre les « cellules dormantes » du pays, et « accepter leur retour (…) contribuera à élargir le cercle du terrorisme », ont-elles prévenu.

La Tunisie a fait face après sa révolution de 2011 à l’essor d’une mouvance jihadiste armée responsable de la mort de plus d’une centaine de soldats et de policiers, mais aussi d’une vingtaine de civils et de 59 touristes étrangers, selon des chiffres officiels.

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