Wouter Beke

Les paradoxes du Brexit

Wouter Beke Président du CD&V

Nigel Farage démissionne, Boris Johnson refuse de devenir le leader de son parti. Après avoir gagné le référendum. les deux principaux avocats du Brexit commettent une désertion. Quel paradoxe. Et ce n’est pas le seul.

Le Brexit est un grand défi pour l’UE, je ne le cache pas. Et des réponses simples, il n’y en a pas. Mais, au sein de l’UE, on remarque surtout un immense désir de défendre le projet européen. Quelle différence avec le Royaume-Uni. Les deux principaux partis du pays se trouvent dans une crise profonde, et ne savent pas à quel saint se vouer. Les tensions régionales avec l’Ecosse et l’Irlande du Nord mettent l’avenir du Royaume « Uni » en danger. Paradoxe 1 : le Brexit, qui allait rendre le Royaume-Uni plus fort, met surtout le Royaume-Uni dans les problèmes.

Au cours de l’évolution de l’UE, les Britanniques ont toujours été les principaux promoteurs de l’extension à d’autres pays, afin de créer une plus grande zone de libre échange. Ils ont été le principal défenseur d’une extension en direction de l’Europe de l’Est. D’autres pays préféraient mettre le focus sur un approfondissement de la collaboration existante. Aujourd’hui, le Royaume-Uni opte pour une sortie parce qu’il voit la libre circulation, avec les travailleurs polonais et provenant d’autres pays d’Europe de l’Est, comme un problème. Nous arrivons ainsi au deuxième paradoxe.

Dans le passé, on parlait en France de la ‘perfide Albion’. Ces dernières années au Royaume-Uni, on parlait de plus en plus de Bruxelles non fiable. Après le Brexit, ce serait fini, les ordres reçus de Bruxelles – une conséquence de prises de décisions politiques auxquelles, au sein de l’UE, le Royaume-Uni avait bel et bien participé. En échange, il désire toutefois faire partie de la zone de libre échange, tout comme la Norvège par exemple. Un système que le Premier ministre norvégien, lui-même, a déconseillé aux Britanniques, du fait que, pour ce faire, il faut payer sans avoir son mot à dire. Le paradoxe suivant, donc. Payer sans avoir d’influence. Le choix de l’indépendance mène à plus de dépendance.

Brexit : Ni les Britanniques ni nous-mêmes n’avons d’intérêt dans cette histoire.

Ce qui m’étonne encore le plus, c’est la totale absence de plan. Un pays qui, dans un récent passé, a gouverné le monde et est réputé pour son leadership, prend la plus importante décision de la décennie. Sans plan, sans idée, sans stratégie au sujet de la mise en oeuvre de cette décision. Lorsqu’Alexis Tsipras avait gagné les élections en Grèce, on pouvait encore comprendre qu’il n’avait pas immédiatement de scénario prêt à mettre en action. Un parti, sans expérience ni expertise, devait soudainement diriger un pays qui se trouvait déjà au bord du gouffre sur le plan de la gouvernance. Mais le Royaume-Uni ? Un pays avec une expérience considérable en matière de gouvernance, ne sait aujourd’hui totalement pas quoi faire. Le dernier paradoxe.

Je n’écris pas cela par malin plaisir. Ni les Britanniques ni nous-mêmes n’avons d’intérêt dans cette histoire. Et j’espère que nous pourrons rapidement trouver une solution. Et que des leçons seront tirées. Mettre le feu à la maison, c’est ce qu’il y a de plus facile. Eviter l’incendie et l’éteindre si nécessaire, c’est bien plus difficile. Il est grand temps d’accorder beaucoup moins d’attention au pyromane, et beaucoup plus au conseiller en prévention et au pompier.

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