Marine Le Pen (Présidente du FN) et Geert Wilders (Président du PVV). En France et aux Pays-Bas, les candidats font davantage campagne contre ces deux leaders populistes que contre leurs adversaires des partis de gouvernement. © REUTERS

Les conséquences économiques d’une politique populiste

Pierre Jassogne
Pierre Jassogne Journaliste Le Vif/L’Express

Le très sérieux European Economic Advisory Group (EEAG, Groupe consultatif économique européen) a analysé, dans son dernier rapport, les conséquences économiques d’une politique populiste, et ce, vu la montée en puissance en Europe de mouvements tels le Front National en France.

Selon les auteurs, le populisme économique apparaît après une longue phase de stagnation, souvent consécutive à une longue période d’austérité budgétaire. Cela s’accompagne de très fortes inégalités, donnant l’impression au plus grand nombre qu’il serait possible de faire mieux. « Quels que soient les époques et les continents, les populismes de droite comme de gauche prospèrent en période de crise. Leurs mesures sont destinées à ceux qui redoutent de perdre leur statut social et qui se sentent abandonnés par les dirigeants politiques en place », rappelle l’étude. Dans ce contexte, le populisme s’affranchit de toutes limites, considérant qu’il n’y a aucune contrainte qui devrait s’imposer à la politique.

Le programme économique populiste s’articule selon trois axes: redistribuer par des hausses importantes de salaires et des dépenses publiques; réactiver l’économie grâce à cette redistribution qui accroît la demande; et restructurer l’économie en contrôlant, directement ou indirectement, les entreprises, de manière à devenir une économie à forte croissance qui peut supporter des salaires plus élevés.

« Mais c’est un programme court-termiste qui ignore toutes les contraintes extérieures comme budgétaires. Les populistes assurent que cela regonflera la croissance et générera des rentrées fiscales futures suffisantes pour financer le tout », analyse l’étude.

Pourtant, dans un premier temps, l’économie version populiste semble fonctionner. La demande augmente et les salaires aussi. Le contrôle des prix évite que les hausses de salaires ne conduisent à trop d’inflation. « Les effets positifs des dépenses publiques élevées sont aussi rapidement visibles », indique d’ailleurs le rapport.

Mais dans un second temps, l’inflation augmente, et avec elle des discours contre les « spéculateurs », accusés d’entretenir la hausse des prix. Les salaires continuent d’augmenter, mais au prix de déficits publics qui explosent.

Ensuite, les pénuries se multiplient, l’inflation accélère vertigineusement, causant la fuite des capitaux. Le déficit public explose brusquement, faute de recettes fiscales. Le gouvernement se trouve contraint de renoncer à certaines dépenses ce qui cause des émeutes et une forte instabilité politique.

Enfin, le pays subit un changement de politique. Un programme de stabilisation budgétaire brutal est imposé. Mais les salaires se retrouvent à un niveau très inférieur à celui qui prévalait avant la mise en place du programme populiste. La désorganisation économique a fait fuir les capitaux et réduit l’investissement. Au bout du compte, les plus pauvres se retrouvent encore plus mal qu’avant, ceux-là même qui devaient bénéficier de ces politiques.

Car les populistes nient les conséquences de leurs mesures sur la dette et l’inflation, « mais celles-ci finissent par les rattraper », précise l’étude, prenant l’exemple du Venezuela d’Hugo Chavez qui est passé, phase après phase, par ce scénario catastrophe. « Dans ce pays, les remèdes populistes ont dans un premier temps généré une forte croissance, accompagnée d’un contrôle des capitaux et de protectionnisme. Mais l’explosion de l’économie souterraine, puis de l’hyperinflation et la fuite des investisseurs ont ensuite provoqué l’effondrement des revenus et de l’économie. »

Autre récurrence d’un programme économique populiste : la défense du protectionnisme. Pour les populistes, les seuls obstacles qu’ils rencontrent proviennent des étrangers et des forces oligarchiques qui complotent pour les renverser. Ils refusent la mondialisation avec ces « multinationales pratiquant le dumping social » comme ces « élites profitant du libre-échange au détriment du peuple ». Autant d’arguments usés aussi bien par Marine Le Pen que Donald Trump. « Les populistes tiennent d’ailleurs de plus en plus des propositions radicales, pour convaincre les électeurs qu’ils n’appartiennent pas vraiment à l’élite », rappelle l’étude. « Ces mouvements mettent pourtant le doigt sur des problèmes réels, tels que les inégalités creusées par la mondialisation. » En revanche, leurs solutions sont inadaptées, comme le rejet des travailleurs immigrés, thème essentiel d’un Front national en France, jugé, par les auteurs de l’étude, comme le parti le plus radical sur cette question. « La montée de ces mouvements devrait forcer les gouvernements à traiter enfin les problèmes économiques qu’ils n’ont pas suffisamment pris en compte jusque-là », estime l’étude, en mettant en place par exemple une fiscalité plus redistributive ou encore, en instaurant un revenu universel. « Si elles fonctionnent, ces politiques affaibliront les ressorts économiques du populisme », conclut l’étude.

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