Anne-Sophie Bailly

L’édito d’Anne-Sophie Bailly: Facebook/Meta, ce colosse en marche vers la création d’un univers captif, autosuffisant, addictif

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Malgré ses limites et la difficulté à la mettre en place, la régulation des géants du Web est aujourd’hui le seul contrepoids possible.

Facebook Inc. s’est rebaptisée Meta, a modifié son identité visuelle et a, surtout, amorcé une mutation stratégique majeure. Désormais, le fleuron de la Silicon Valley se compose de deux entités: les réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp, Messenger, Instagram) et un pôle de réalité virtuelle et augmentée.

Une annonce en grande pompe afin de détourner l’attention des Facebook Files, ces documents qui accusent le géant californien de faire passer son profit avant le bien-être de ses utilisateurs, de privilégier les contenus toxiques et de ne pas lutter suffisamment contre la désinformation? L’entreprise a déjà affronté d’autres tempêtes, comme le scandale Cambridge Analytica ou des fuites de données massives, sans remettre en cause ni son fonctionnement ni son succès.

La vision stratégique de Mark Zuckerberg ne peut donc être résumée à une manoeuvre de diversion. Elle ressort d’une volonté de diversification et d’expansion. Des rentrées publicitaires et de nouveaux utilisateurs qui progressent toujours mais à un rythme moindre, des perspectives bénéficiaires moins flamboyantes, des autorités antitrust qui multiplient les recours en justice constituent autant de raisons pour le groupe d’explorer d’autres sources de revenus. C’est l’idée derrière Meta: créer un univers parallèle – le metaverse – dans lequel les marques s’offriraient une onéreuse place de choix pour accéder à des consommateurs – comprenez des cibles publicitaires – qui y vivent, y travaillent, s’y divertissent sous forme d’avatars et paient le tout dans la cryptomonnaie qui sera au centre du portefeuille numérique actuellement en cours de développement par le groupe de Menlo Park.

Ce metaverse offre en plus l’occasion au groupe de Mark Zuckerberg de s’affranchir d’un hardware qu’il ne contrôle pas et dont il pourrait devoir subir toute réorientation stratégique. La nouvelle politique de confidentialité proposée par Apple à ses utilisateurs n’en est que l’illustration la plus récente. Aux oubliettes donc smartphones et PC, cap sur le casque virtuel, une technologie maison depuis qu’Oculus VR a rejoint la galaxie Facebook, en 2014.

On le voit, le colosse est plus que jamais en marche vers la création d’un univers captif, autosuffisant, addictif, incontournable. Avec peu d’embûches en vue sur son parcours. Une non-adhésion du public? Des barrières à l’entrée trop onéreuses? Peu probable.

La régulation s’avère donc plus que jamais indispensable. Malgré ses limites et la difficulté de la mettre en place, c’est aujourd’hui le seul contrepoids possible, car comme prévient la lanceuse d’alerte Frances Haugen: « Il n’y a personne actuellement pour tenir Mark responsable, sauf lui-même. » Et c’est réel.

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